En Guinée, l’accès aux infrastructures publiques et aux soins de santé demeure un défi majeur, notamment pour les personnes atteintes d’albinisme et celles en situation de handicap.
En Guinée, l’accès aux infrastructures publiques et aux soins de santé demeure un défi majeur, notamment pour les personnes atteintes d’albinisme et celles en situation de handicap. Cette difficulté s’explique par leur vulnérabilité accrue, aggravée par des conditions économiques et sociales précaires, ainsi que par le manque de compétences spécialisées pour leur prise en charge. Bien que des avancées aient été réalisées pour améliorer l’accessibilité, des voix estiment que des efforts supplémentaires restent nécessaires.
L’accès aux infrastructures et services de santé, qu’ils soient spécialisés ou non, est particulièrement complexe pour les personnes en situation de handicap. Entre stigmatisation, absence de personnel formé et infrastructures inadaptées, elles doivent souvent se débrouiller seules. « Je n’ai jamais pu me rendre dans un service de santé situé à l’étage (...) Il y a quelques années, je voulais connaître mon groupe sanguin. À l’entrée d’une structure sanitaire, on m’a dit qu’il n’y avait pas de réactifs. Quelques instants plus tard, une autre personne est arrivée et a été acceptée. J’ai insisté pour qu’on me fasse le test. Ce n’est qu’après des échanges tendus qu’ils ont fini par le faire », témoigne Aly Komano, une personne en situation de handicap.
Comme lui, de nombreuses personnes sont confrontées à ces difficultés, sans toujours avoir la force de protester. Beaucoup finissent par se tourner vers des structures sanitaires peu fiables, mettant leur santé en danger. Pourtant, ces citoyens ont les mêmes droits que tous les autres et aspirent à une prise en charge adaptée.
Un environnement peu inclusif
Massoud Barry, présidente de l’Organisation de Secours aux Personnes Handicapées de Guinée (OSH-Guinée) et membre du Conseil National de la Transition (CNT) confirme cette réalité. Elle souligne le manque de considération pour les personnes vivant avec handicap dans la conception des infrastructures publiques. « Généralement, les projets de construction ne tiennent pas compte de l'accessibilité pour les personnes handicapées, ce qui entrave leur autonomie », fait-elle remarquer. La conseillère nationale au CNT rappelle que la « loi nationale protège pourtant ces personnes et prévoit, pour elles, des mesures d’accessibilité ». « Si l’accessibilité est garantie, de nombreux autres problèmes [touchant les personnes vivant avec handicap] seront résolus », estime l’activiste, précisant que cette loi est en révision et devrait être bientôt adoptée.
Hon. Massoud Barry
Massoud Barry reconnaît néanmoins une amélioration par rapport à la situation de ces personnes vulnérables d’il y a dix ans. Ce, grâce aux plaidoyers et sensibilisations menés par divers acteurs, notamment les organisations de défense des droits des personnes vivant un handicap. « Nous organisons des formations pour le personnel soignant afin qu’il comprenne ses obligations envers les personnes handicapées », précise la présidente d’OSH-Guinée. Toutefois, elle appelle les autorités à renforcer l’application des textes et à sensibiliser davantage les professionnels de la santé.
Une situation en amélioration pour les albinos
Les personnes atteintes d’albinisme subissent moins de discriminations qu’auparavant, notamment grâce aux campagnes de sensibilisation qui ont contribué à faire évoluer les mentalités. Cependant, elles restent confrontées à des difficultés économiques qui compliquent l’accès aux soins et aux traitements essentiels.
Hadjiratou Bah est la présidente de l'Union pour le Bien-être des Personnes Atteintes d'Albinisme de Guinée (UBPAG). Elle constate que la prise en charge des affections dermatologiques s’est améliorée au cours des deux dernières années grâce à un budget voté par le CNT. « Ce financement permet la gratuité de certains traitements contre le cancer de la peau et de certaines consultations », indique-t-elle.
Hadjiratou Bah
Cependant, l’activiste estime que des efforts supplémentaires doivent être faits, notamment en renforçant la formation des agents de santé pour qu'ils puissent détecter précocement les affections dermatologiques liées à l’albinisme. « Il faudrait que des consultations dermatologiques et ophtalmologiques soient organisées une à deux fois par an sur tout le territoire national, afin d’assurer un suivi médical efficace », plaide Hadjiratou Bah.
Des engagements gouvernementaux encore insuffisants
Les autorités guinéennes ont identifié plusieurs lacunes lors de leurs missions d’immersion. Le ministre de la Santé a notamment constaté l’absence de services de dermatologie dans les infrastructures sanitaires de l’intérieur du pays. Ce qui complique la prise en charge des personnes, notamment celles atteintes d’albinisme.
Mamadouba Bangoura, chef de division handicap à la Direction nationale des personnes vulnérables du ministère de la Promotion Féminine, de l’Enfance et des Personnes Vulnérables (MPFEPV), assure que des mesures sont en train d’être prises. « Des aménagements spécifiques (parkings, rampes, ascenseurs) sont progressivement installés dans les bâtiments publics et ministériels. Le ministère fait de la santé des personnes vulnérables une priorité. C’est dans ce cadre que le projet de loi portant promotion et protection des personnes handicapées qui vient d'être validé en Conseil de ministres institue une carte de personnes handicapées. Elle donne droit à son titulaire à la gratuité ou au tarif réduit pour les soins médicaux (...) Le ministère facilite la prise en charge sanitaire des personnes handicapées comme le CNO (Centre National d’Orthopédie) et le Fonds de développement social et de l’indigence (FDSI). Aussi, le ministère offre à certaines occasions des kits sanitaires aux personnes handicapées », explique-t-il lors d’un entretien téléphonique avec la rédaction d’IdimiJam.com.
Mais pour le moment, ces mesures restent limitées. C’est pourquoi les autorités prévoient de renforcer leur engagement en partenariat avec les ONG, afin d’étendre ces initiatives à tout le pays et d’offrir une véritable inclusion aux personnes vulnérables.
Elisabeth Zézé Guilavogui