Depuis le mois de février dernier, la communauté guinéenne en Mauritanie vit dans une grande détresse, victime d'une campagne intense d'expulsions orchestrée par les autorités mauritaniennes. Cette vague de reconduites concerne principalement les étrangers en situation « irrégulière ».
Depuis le mois de février dernier, la communauté guinéenne en Mauritanie vit dans une grande détresse, victime d'une campagne intense d'expulsions orchestrée par les autorités mauritaniennes. Cette vague de reconduites concerne principalement les étrangers en situation « irrégulière ». À ce jour, plus de 200 Guinéens — comprenant des jeunes, des personnes âgées, des enfants et des femmes — ont été expulsés vers les frontières entre la Mauritanie et le Sénégal d'une part, et entre la Mauritanie et le Mali d'autre part. Des vidéos, des photos et des témoignages recueillis par un contributeur de la plateforme IdimiJam.com documentent des actes de violences physiques et morales infligées à ces compatriotes.
Des témoignages de harcèlement sexuel
Une Guinéenne vivant à Nouakchott, ayant choisi de témoigner sous couvert d'anonymat, a livré des accusations graves à l'encontre des forces de sécurité mauritaniennes. « Je suis parmi ces nombreux Guinéens interpellés par la police mauritanienne ces derniers jours. Il s'est passé quelque chose d'étrange. Au commissariat où nous sommes, le commissaire, un certain “Bangoura", propose aux femmes de coucher avec lui pour éviter d'être livrées aux centres de détention. Quatre femmes ont été victimes de ce harcèlement. Personnellement, il a fallu que je me livre à lui pour être sauvée. Malgré tout cela, aujourd'hui, je suis détenue... », a-t-elle révélé.

Les témoignages rapportent que l’agent accusé est d’origine guinéenne. Sous prétexte de « sauver » les Guinéennes en situation irrégulière, il leur aurait offert deux options : payer une somme conséquente ou coucher avec lui. Un autre ressortissant guinéen à Nouakchott a confirmé cette accusation.
Des conditions de détention inhumaines
En plus des violences physiques et morales, les conditions de détention dans les centres de rétention sont décrites comme inhumaines. Un autre citoyen guinéen a dénoncé la situation dans laquelle se trouvent ses compatriotes : « Beaucoup de Guinéens sont détenus dans des prisons ici dans des conditions inhumaines. D'autres ont été expulsés aux frontières de Rosso, entre la Mauritanie et le Sénégal. Plusieurs autres sont bloqués dans la zone entre la Mauritanie et le Mali, une région dangereuse (...) Ils n'ont nulle part où aller. »
Le président du Conseil des Guinéens de Mauritanie a, de son côté, rassuré des efforts du ministère des Affaires Étrangères, de l'Intégration Africaine et des Guinéens Établis à l'Etranger pour gérer cette situation. Bobo Bah a précisé que des démarches sont en cours pour répondre à cette crise.
La réponse de la Mauritanie
Ces expulsions massives ont suscité une vive réaction de la part de plusieurs organisations internationales, de médias étrangers et de plusieurs gouvernements africains. En réponse, Mohamed Salem Ould Merzoug, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération et des Mauritaniens de l’Extérieur, a justifié les expulsions en expliquant que la migration irrégulière menace la sécurité et la stabilité de son pays. Selon lui, la Mauritanie accueille déjà légalement des ressortissants de pays voisins dans des conditions régies par des accords bilatéraux et internationaux. Il a précisé que la migration irrégulière peut compromettre ce climat de fraternité et de bon voisinage. « Le statut de ces deux catégories de ressortissants est régi par une réglementation bilatérale et/ou internationale. Ces ressortissants sont, chacun selon sa spécificité, considérés comme des résidents réguliers, bénéficiant, grâce à leur titre de séjour, de tous les droits dans leur seconde patrie, la Mauritanie », a-t-il déclaré. Il a également ajouté que la mobilité des populations dans la région est un phénomène historique, façonné par des liens culturels et religieux communs. « Toutefois, a-t-il souligné, la migration irrégulière, sans contrôle, risque de compromettre ce climat d'hospitalité et de quiétude ».
Les autorités guinéennes à la rescousse…
Le gouvernement guinéen, conscient de la situation, a pris des mesures pour prendre en charge ses ressortissants en détresse. Mamadou Saliou Barry, directeur général des Guinéens établis à l’étranger, a affirmé que des discussions ont eu lieu entre les autorités guinéennes et la Mauritanie pour gérer la situation rapidement, dans l'intérêt des deux pays.
En attendant les solutions, les Guinéens raflés continuent de vivre un calvaire dans les centres de rétention, notamment à Nouakchott, Rosso et Gogui (frontière avec le Mali). « Nous sommes en prison ici depuis plusieurs semaines. Nous n'avons même pas de quoi manger. Quand nous donnons de l'argent à un agent de la garde pénitentiaire, il nous achète de la nourriture de mauvaise qualité et refuse de rendre la monnaie (...) Nous vivons dans des conditions très difficiles », a dénoncé un autre citoyen guinéen qui échangé avec notre équipe.
DS. Kamara