Portée par des réformes et l'engagement de sa jeunesse, l’agriculture guinéenne se positionne comme un levier clé pour la nutrition, l’emploi et la souveraineté alimentaire.
La Guinée a pris part au Sommet sur la nutrition pour la croissance, tenu à Paris, en France, les 27 et 28 mars dernier. Ce rendez-vous international, qui a réuni des gouvernements, chercheurs et acteurs du développement, visait à renforcer les politiques mondiales en faveur de la sécurité alimentaire et d’une nutrition durable.
Invitée à ce sommet, la Guinée s’est engagée sur huit axes majeurs. Parmi eux, la promotion d’une alimentation basée sur des produits locaux, diversifiés et équilibrés. Ces mesures doivent être suivies dans les prochaines années pour améliorer la santé et le bien-être des populations. Et sur le terrain, certains jeunes entrepreneurs guinéens s’activent déjà dans ce sens.
Mamadou Saïdou Bah, ingénieur agronome et cofondateur du centre d’incubation agricole SEDA, estime que « la production locale de légumes biologiques est un levier essentiel pour la sécurité alimentaire en Guinée ». Avec sa start-up Amprodit Guinée, il mise sur une agriculture sans intrants chimiques, respectueuse des sols et des habitudes alimentaires. « Les consommateurs sont de plus en plus soucieux de la qualité des produits qu’ils consomment », souligne-t-il.
Son associé, Amadou Bah, également cofondateur du SEDA, met l’accent sur l’impact social de l’agriculture. Depuis 2023, leur centre a formé plus de 250 jeunes, dont plus de 60 sont aujourd’hui insérés dans le secteur agricole. « L’incubateur SEDA vise à promouvoir l’agriculture comme un métier d’avenir pour la jeunesse guinéenne », explique-t-il.
Mais les défis sont nombreux : accès difficile au foncier, manque de financements adaptés, absence de banques agricoles... « Aujourd’hui, obtenir un prêt reste un parcours de combattant. Il faut des garanties que la plupart des jeunes ne peuvent pas fournir », déplore Amadou Bah. Il salue cependant l’ouverture entreprise par le ministère de l’Agriculture et les réformes foncières en cours, qu’il considère comme « une opportunité pour sécuriser l’accès à la terre ».
Concernant les idées reçues autour des incendies agricoles, il nuance : « Sur 1 000 hectares cultivés, à peine deux sont touchés par les feux. Il faut dépasser les clichés et bâtir une coopération constructive avec les autorités ».
Pour ces deux jeunes agripreneurs, l’enjeu va au-delà de la production. Il s’agit aussi d’éduquer à une alimentation saine. « Privilégier les légumes locaux comme le gombo, les feuilles de patate ou l’aubergine, c’est répondre aux besoins nutritionnels des Guinéens », affirme Amadou Bah qui ajoute : « Le riz du pays est plus nutritif que le riz importé, souvent appauvri par le raffinage ».
L’agriculture guinéenne, un potentiel à exploiter
Avec 13,7 millions d’hectares de terres arables dont seulement 38% exploitées, la Guinée dispose d’un potentiel agricole considérable. Le pays bénéficie également d’une pluviométrie abondante, de 1 165 cours d’eau, et d’un bon ensoleillement. En 2023, le secteur agricole a enregistré une croissance de 4,8%, dopée par les réformes et l’intérêt croissant des jeunes.
Pour que les engagements pris à Paris aient un véritable impact, une politique agricole ambitieuse et inclusive reste nécessaire. L’exemple de Mamadou Saïdou Bah et Amadou Bah montre qu’une nouvelle génération d’acteurs est prête à relever le défi.
Pour revenir aux données officielles, elles se présentent comme suit :
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13,7 millions d’hectares de terres arables ont été identifiés, mais seulement 38% sont actuellement cultivés.
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2,7 millions d’hectares sont favorables à l’élevage.
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3 819 hectares de plaines et bas-fonds ont été réhabilités.
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Le pays compte 1 165 cours d’eau, dont les fleuves Niger, Sénégal et Gambie.
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La pluviométrie annuelle varie entre 1 200 mm (nord) et 6 000 mm (Fouta Djalon).
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L’ensoleillement atteint jusqu’à 2 700 heures par an, avec une irradiation moyenne de 4,8 kWh/m²/jour.