Construction de raffineries d’alumine en Guinée : quand les sociétés d’exploitation de la bauxite font face à un défi de taille

Construction de raffineries d’alumine en Guinée : quand les sociétés d’exploitation de la bauxite font face à un défi de taille

En 2022, le président guinéen Mamadi Doumbouya a exigé des entreprises minières la transformation locale de la bauxite. Trois ans plus tard, la société chinoise SPIC a lancé la construction d’une raffinerie d’alumine à Boffa, en investissant 1,03 milliard de dollars.

En 2022, quelques mois après avoir été installé à la tête de la Transition, le président Mamadi Doumbouya convoquait les dirigeants des entreprises minières au palais Mohamed V. Au cours de cette rencontre, il a exprimé fermement la volonté du gouvernement guinéen de voir la bauxite guinéenne transformée sur place, en exigeant la construction de raffineries d’alumine dans le pays. Plus de trois ans après cette annonce, la société chinoise State Power Investment Corporation (SPIC) a donné l’exemple en lançant, fin mars 2025, les travaux d’une raffinerie d’alumine à Boffa, en Basse-Guinée, pour un investissement estimé à 1,03 milliard de dollars américains.

Derrière cette décision politique, l’ambition du gouvernement est double : promouvoir la transformation locale des matières premières et créer des emplois durables.

Une volonté politique confrontée à des réalités complexes

Cependant, cette exigence présidentielle se heurte à un obstacle majeur : le déficit énergétique en Guinée. Le manque d’infrastructures adaptées et la faible couverture électrique posent la question de la faisabilité réelle de cette ambition industrielle. « Il y a lieu de s’interroger sur la faisabilité de la mise en œuvre de la décision du Président de la Transition. Rappelons que la transformation locale de la bauxite est gourmande en énergie, ce qui constitue un obstacle important à surmonter pour les projets de raffinerie en Guinée, pays où moins de la moitié de la population a accès à l’électricité », souligne un rapport de synthèse de l’Observatoire guinéen des mines et métaux (OGMM), consulté par un contributeur de la plateforme IdimiJam. Le même document précise qu’« il faut environ 3 000 kWh pour raffiner une tonne de bauxite en alumine, alors que l’extraction de la bauxite ne consomme qu’environ 34 kWh par tonne ».

Une opportunité stratégique pour la Guinée

Malgré ces contraintes, l’enjeu reste considérable pour la Guinée, un pays qui détient l’une des plus importantes réserves mondiales de bauxite. L’OGMM affirme que « la construction de raffineries d’alumine en Guinée représenterait une avancée stratégique pour le pays ». À l’heure actuelle, elle exporte majoritairement du minerai brut. Ce qui réduit considérablement la valeur ajoutée de son industrie minière.

« Le gouvernement encourage donc la transformation locale de la bauxite en alumine afin de maximiser les bénéfices économiques et industriels. En 2023, la croissance du PIB s’est accélérée pour atteindre 7,1%, soutenue par une solide performance du secteur minier, notamment une augmentation de 22% de la production de bauxite », poursuit le rapport.

En 2024, le pays a exporté 145 millions de tonnes de bauxite, mais ne dispose que d’une seule raffinerie d’alumine, mise en service en avril 1960.

Des prérequis indispensables

Toutefois, selon l’Observatoire, l’obligation faite aux entreprises minières de construire des raffineries suppose des préalables importants, à la fois techniques, financiers et institutionnels. Parmi eux, figurent :

  • Une énergie suffisante et stable pour alimenter les installations ;

  • Un personnel qualifié capable de faire fonctionner les raffineries ;

  • Des ressources financières conséquentes pour mener à bien les projets ;

  • Un cadre juridique et politique sécurisé pour rassurer les investisseurs.

« Il incombe aux sociétés minières de réunir les moyens financiers, de rechercher des partenaires techniques, technologiques et stratégiques, tant pour l’achat de l’aluminium sur le marché international que pour le recrutement des ressources humaines nécessaires à la construction et au fonctionnement desdites raffineries en Guinée », estime par ailleurs le rapport de l’OGMM.

Si la volonté politique est claire et la première étape amorcée avec SPIC, les défis restent nombreux. Pour transformer cette vision en réalité, l’État guinéen devra jouer pleinement son rôle de facilitateur, en garantissant un environnement propice aux investissements industriels lourds, indispensables à l’industrialisation du secteur minier.

DS. Kamara