Le projet Simandou, situé dans le sud-est de notre pays, sur la chaîne du mont Simandou, est considéré comme l'un des plus vastes projets miniers en développement au monde.
Estimé à plus de 20 milliards de dollars, il vise à exploiter ce gisement de minerai de fer de haute qualité, avec une production attendue de 160 millions de tonnes par an. Ce mégaprojet comprend la construction de plus de 600 kilomètres de voies ferrées, reliant les mines au port en eau profonde de Moribaya, facilitant ainsi l'exportation du minerai.
Porté par un partenariat entre le gouvernement guinéen, Rio Tinto et le Winning Consortium Simandou (WCS), le projet promet de générer des milliers d'emplois et de transformer l'économie guinéenne. Cependant, des préoccupations subsistent quant à la transparence, à la gouvernance et aux impacts environnementaux et sociaux du projet.
Pour en parler, IdimiJam.com a rencontré Dr. Oumar Totiya Barry, directeur exécutif de l’Observatoire Guinéen des Mines et Métaux. Ce chercheur en géopolitique des ressources minières souligne que la réussite du projet dépendra de la manière dont les revenus seront gérés et de l'implication de la société civile dans les processus décisionnels. Il insiste sur la nécessité d'une transparence accrue concernant les documents contractuels et d'une prise en compte des aspects environnementaux et sociaux pour assurer la durabilité du projet.
Vers un décollage économique de la Guinée avec Simandou ?
Le projet Simandou est présenté comme un véritable levier de décollage économique. En effet, il s’agit d’un projet qui combine à la fois l’extraction de fer et le développement d’infrastructures. « C’est un projet minier qui, à la fois, a ses avantages mais aussi ses inconvénients. Donc, cela dépendra de la politique du gouvernement, notamment de la manière dont les revenus tirés du projet seront gérés. Il reste un projet minier comme tous les autres », analyse le directeur exécutif de l’Observatoire Guinéen des Mines et Métaux.
Apport de la population aux côtés des autorités
Outre sa vocation à exporter du fer, le projet Simandou va générer des revenus. Toutefois, au-delà de cet aspect financier, le projet doit prendre en compte de nombreuses questions sensibles, notamment la question environnementale, ajoute notre interlocuteur.
« Ce projet ne peut pas être durable si l’on ne tient pas compte non seulement de l’aspect environnemental, mais aussi de l’aspect social. La société civile, je pense, fait suffisamment son travail d’alerte, de veille, de plaidoyer, de suivi sur le terrain. Elle produit des rapports d’impact, des rapports de suivi sur les différentes questions, à la fois sociales et environnementales, ainsi que sur les obligations des entreprises minières. Donc, aujourd’hui, la question est : Quel est le niveau d’implication de la société civile dans les prises de décision concernant le projet Simandou ? Je pense que ce niveau est très faible. Il faut donc davantage impliquer la société civile, mais aussi instaurer plus de transparence autour de tous les documents relatifs au projet Simandou. Sans cette transparence, la société civile ne peut pas accomplir sa mission, car nous n’avons pas de documents de base pour faire ce travail d’alerte, de suivi et de veille citoyenne », estime Dr. Barry.
Quid du contenu du document relatif au projet…
Dans le cadre du projet Simandou, le président du comité exécutif, Djiba Diakité, a évoqué un document volumineux contenant les textes relatifs à l’initiative. Or, le contenu dudit document est méconnu des acteurs de la société civile guinéenne. « Nous n’avons aucune idée des documents. Donc, nous ne pouvons pas savoir s’ils font trois centimètres ou quatorze kilomètres [comme l’a assuré M. Diakité]. Tout ce que nous demandons au gouvernement, c’est de rendre ces documents publics. Une fois qu’ils le sont, on pourra évaluer leur volume et leur contenu », plaide-t-il.
Qu’en est-il de la construction de raffineries par les sociétés minières ?
La Guinée est mondialement connue pour regorger de nombreuses sociétés minières, mais elle ne dispose d’aucune raffinerie d’alumine sur place. Face aux coûts liés au transport du minerai vers l’étranger et surtout des faibles retombées de l’exportation de minerais brutes, le président de la transition, le général Mamadi Doumbouya, exige que les sociétés construisent leur propre raffinerie en Guinée.
« Il est vrai qu’il existe de nombreuses sociétés en Guinée qui ont l’obligation de construire des raffineries. Cette question a été longuement débattue depuis l’indépendance de la Guinée. Ce n’est donc pas un sujet récent. Mais ce que nous pensons, au sein de l’Observatoire, c’est qu’il faut aller au-delà de la seule question des raffineries et adopter une dynamique stratégique. Il ne faut pas considérer cette question uniquement sous l’angle de l’industrialisation ; elle doit aussi être perçue comme une question stratégique qui permettra à la Guinée de jouer un rôle central dans la chaîne de valeur de l’aluminium. Aujourd’hui, la bauxite est classée parmi les ressources critiques et stratégiques pour l’Union européenne, les États-Unis, mais aussi la Chine. La Guinée doit donc également considérer cette ressource comme stratégique, non seulement pour construire des raffineries, mais aussi comme un levier de repositionnement et d’influence sur le plan international. Par ailleurs, la question des raffineries doit aussi être abordée sous l’angle environnemental. Construire une raffinerie nécessite le développement de sources d’énergie alternatives. Aujourd’hui, ces sources reposent soit sur des centrales thermiques, soit — à un moment — sur l’énergie au charbon, même si cette option a été abandonnée. Par conséquent, le développement des raffineries soulève naturellement des enjeux liés à la pollution et aux émissions de CO₂ », rappelle le directeur exécutif de l’Observatoire Guinéen des Mines et Métaux.
Aujourd’hui, estime Dr. Oumar Totiya Barry, la question de la gouvernance minière en Guinée doit être inclusive. « Elle ne doit pas se réduire à un groupe restreint au sein de l’État. Il faut impliquer toutes les parties prenantes, y compris la société civile et les communautés », a-t-il conclu.
DS Kamara