Guinée : voici les principales avancées de la nouvelle Convention Collective des Mines, Carrières, Industries Minières, Chimiques et Assimilées

Guinée : voici les principales avancées de la nouvelle Convention Collective des Mines, Carrières, Industries Minières, Chimiques et Assimilées

La Guinée a adopté une nouvelle Convention Collective des mines, carrières et industries minières, intégrant des hausses de salaires, des primes élargies et de meilleures protections sociales. Un tournant majeur pour les droits des travailleurs du secteur.

Trente ans après la signature de la précédente convention, la République de Guinée a franchi une étape majeure, en adoptant, le 14 février 2025, une nouvelle Convention Collective des Mines, Carrières, Industries Minières, Industries Chimiques et Assimilées. Ce texte intègre des réformes importantes en matière de rémunération, de sous-traitance, de conditions de travail et de protection sociale. Fruit d’un long processus de concertation entre les acteurs clés du secteur, ce nouveau texte couvre sept piliers fondamentaux qui structurent désormais les relations professionnelles dans ce secteur clé de l’économie guinéenne à savoir : les droits syndicaux et la liberté d’association ; le droit de grève, le contrat de travail et les règles de licenciement ; les conditions de travail et de rémunération ; l’hygiène, la sécurité et la santé au travail ; la formation professionnelle et l’apprentissage ; la retraite et le départ anticipé. Autant de points clés qui traduisent une volonté de renforcer le cadre social, sécuriser les parcours professionnels et promouvoir un climat de travail plus équitable en Guinée. 

Pour mieux comprendre les implications de ce nouveau cadre légal, nous avons interrogé Mohamed II Fofana, juriste spécialisé en Droit Minier. Entretien… 

IdimiJam.com : Que pouvez-vous nous dire à propos de la nouvelle convention collective des mines récemment adoptée ?

Cette convention est une avancée majeure. Le processus a commencé il y a un bon moment. Parce qu’on s'est rendus compte que la convention collective mines et carrières de 1995 était devenue caduque. Il y avait beaucoup de dispositions sur lesquelles les parties prenantes s’étaient entendues au passé, mais qui sont aujourd’hui dépassées par rapport à l’évolution actuelle du secteur minier. Il fallait donc revoir cette convention pour l’adapter au contexte actuel. Le processus a véritablement commencé en 2020-2021. Il y avait des discussions. Mais en 2023, ça a abouti à de véritables discussions entre les parties prenantes, dont le résultat s’est matérialisé par la signature de cette convention le 14 février 2025. 

Quelles sont les nouveautés de cette nouvelle convention collective ?

Il y avait de grandes problématiques par rapport à la rémunération dans le secteur minier en Guinée. Il y avait des entreprises mères qui étaient un peu dans les règles par rapport au traitement salarial. Mais, il y avait aussi des entreprises sous-traitantes qui n’étaient pas en phase du tout avec la réalité. Là, parfois, les ouvriers, surtout ceux non qualifiés, avaient un traitement journalier, dont le montant se chiffrait entre 30 000 et 50 000 GNF. Les conditions de garanties pour ces travaux étaient tout autres. Parfois, en cas de maladie survenues dans l’exécution de leurs activités, ils étaient privés d’avoir des traitements. La nouveauté qui se trouve dans cette convention collective est que les ouvriers non qualifiés ont désormais un salaire de base (salaire minimum) de 2 600 000 GNF dans les sociétés minières mères et 1 820 000 GNF dans les sous-traitants. Les agents de métier dans les sociétés mères doivent être payés à 8 500 000 GNF. Dans les sociétés sous-traitantes, ils doivent être payés à 5 950 000 GNF. Les cadres au niveau des sociétés mères ont maintenant droit, selon cette nouvelle convention collective, à vingt millions de francs guinéens 20 000 000 GNF. Ceux des sociétés sous-traitantes doivent avoir 14 000 000 GNF. 

Là, on se rend compte qu’il y a eu une nette amélioration par rapport au salaire de base que les travailleurs avaient quelle que soit leur catégorie.

L’autre nouveauté, c’est l’existence de nombreuses primes allant dans le cadre de l’amélioration de leurs conditions de vie. La convention prend effectivement en compte la promotion des employés guinéens. En 2022, il y a eu une nouvelle loi portant contenu local en République de Guinée. Dans les articles 46 de cette convention collective mines et carrière, la question de la promotion des employés guinéens a été considérée. Ce qui est une avancée majeure, car elle prend en compte le régime juridique existant.

Également, il y a plusieurs primes prévues pour les travailleurs cette fois-ci. Dans l'article 77, on parle de prime d’ancienneté. Même si ça existait avant, il y a une garantie maintenant. Il y a aussi dans l’article 78, la prime de panier. Dans l’article 59, il y a la prime d’assiduité et de gratification. Dans l’article 80, il y a la prime d’intérim. Par exemple, ça arrive quand un employé qui occupe une fonction au sein d’une entreprise se déplace et on met à sa place un autre employé pour assurer la fonction de ce dernier jusqu’au recrutement d’un nouvel employé pour occuper la fonction de celui qui est parti. Pendant ce temps, l’employé qui assume l’intérim a son salaire habituel et la société lui ajoute aussi une prime d’intérim. Dans l’article 81, il y a la prime de condition de travail qu’on va les payer, par rapport à beaucoup de risques liés au travail qu’ils auront. Dans l’article 92, ils ont une allocation de congé annuel prévue cette fois-ci. Même si elle était là, le pourcentage a été augmenté.

Il y a aussi à l’article 96 ce qu’on appelle ‘congé de détente’ en cas de déplacement. Par exemple, à un moment dans l’entreprise, on peut avoir besoin d’un employé dans une zone autre que la zone habituelle où il est en service. Alors quand il sera affecté dans une zone lointaine, la société lui donnera la possibilité à chaque trois mois de venir rester avec sa famille et prendre du repos, selon les modalités, pour ensuite retourner travailler. Et cela n'a rien avoir avec les congés habituels que les travailleurs avaient. C’est une nouveauté ! Cette convention prend aussi en compte les cas sociaux. Lors d’un cas social à l'échelle familiale ou de proximité, l’article 95 de cette convention prévoit la permission exceptionnelle, notamment pour les cas de mariage, de décès, de naissance et de baptême d’un enfant.

Aujourd’hui, comment les travailleurs pourraient-ils vraiment tirer avantage de cette nouvelle convention ?

La nouvelle convention bénéficie déjà aux travailleurs qui ont des contrats en cours avec les sociétés mères ou les sous-traitants. Maintenant, la convention est considérée comme condition sine qua non, minimum d’engagement contractuel, dans le secteur minier. Il y a les différents acteurs (mouvement syndical, patronat, ministère de la Fonction publique, Inspection du travail) qui vont se charger de faire le suivi et le contrôle pour s’assurer de la prise en compte effective du contenu de cette convention collective. Les employeurs se sont déjà engagés pour la mise en œuvre effective de ces actions. Les organisations de la société civile doivent aussi jouer pleinement leur partition. Si chacune des parties arrive à honorer ses engagements tels que prévus dans la convention, en fonction des actions déjà décrites, les bénéficiaires seront vraiment réconfortés dans la jouissance de leurs droits et des privilèges accordés.

Est-ce que cette convention comporte des limites ?

Oui, toute convention comporte des limites. Les limites de cette convention, c’est qu’elle règle des situations, mais il y a des cas d’exceptions. Par exemple, les contrats qui sont en cours. Lorsqu’il s’avère qu’il y a déjà eu des conventions entre ces contractuels et l’entreprise, mais qui sont plus favorables que le contenu de cette nouvelle convention, ces contrats demeurent valables. Et lorsqu'il y aura une situation aussi, et qu’on trouve que cette convention contredit ce qui est prévu dans la législation de travail guinéenne, on essaie de voir en ce moment si la législation est beaucoup plus favorable au travailleur, on prendra la législation. Par contre, s'il y a d’autres législations ou bonnes pratiques à l'international dans lesquelles la Guinée est engagée, on prend cette législation.

 

Propos recueillis par Elisabeth Zézé Guilavogui