Consultation nationale des filles en Guinée : 100 participantes réunies à Conakry pour coécrire l’Agenda régional des droits des filles

Consultation nationale des filles en Guinée : 100 participantes réunies à Conakry pour coécrire l’Agenda régional des droits des filles

100 jeunes filles de Guinée se réunissent à Conakry pour coécrire l’Agenda régional des droits des filles, avec l’appui de l’UNICEF et du CJFLG.

C’est un événement inédit dans l’histoire récente de la Guinée. Ce vendredi 15 août 2025, l’hôtel NOOM à Conakry a accueilli 100 jeunes filles venues de toutes les régions du pays pour participer à la Consultation nationale des filles, une rencontre citoyenne organisée par le Club des Jeunes Filles Leaders de Guinée (CJFLG) avec l’appui de l’UNICEF et le soutien institutionnel du ministère de la Promotion féminine, de l’Enfance et des Personnes vulnérables.

Placée sous le slogan « Pas au nom des filles. Avec elles. », cette initiative s’inscrit dans le cadre de l’Agenda régional des droits des filles en Afrique de l’Ouest et du Centre. Elle vise à élaborer, avec les filles elles-mêmes, une vision partagée et des solutions concrètes aux défis qui jalonnent leur quotidien.

Une parole libérée et revendicatrice

Le ton a été donné dès le discours inaugural d’Oumou Khaïry Diallo, directrice exécutive du CJFLG, qui n’a pas hésité à nommer les violences subies par certaines filles en Guinée : « Violées. Mutilées. Battues. Mariées trop tôt. Réduites au silence… Et blâmées pour ce qu’elles ont subi. Mesdames et Messieurs, voilà quelques réalités qui décrivent le quotidien de certaines jeunes filles en République de Guinée et ailleurs. Ce ne sont pas que des mots. Ce ne sont pas que des statistiques. Ce sont des cicatrices, des histoires vraies, des vies brisées. Ce sont des blessures qui marquent nos vies, nos familles, nos communautés et qu’on traverse à chaque saison ».

OumouOumou Khaïry Diallo

Son intervention a été saluée par l’assemblée, d’autant qu’elle a insisté sur la dimension politique de cette rencontre. « Ces consultations ne sont pas un rendez-vous de plus dans un agenda officiel. Elles sont un acte politique. Une déclaration claire : Rien pour les filles sans les filles », a-t-elle lancé.

Deux jours pour réfléchir, décider et agir

Pendant 48 heures, les participantes vont se retrouver en ateliers participatifs, cercles de parole et échanges intergénérationnels pour :

  • Faire entendre leurs priorités et réalités jusqu’aux plus hauts niveaux de décision.
  • Identifier des solutions concrètes issues de leurs propres expériences.
  • Garantir que ces propositions alimentent l’Agenda régional et soient intégrées aux politiques nationales.

Un discours fort de la ministre

Dans son allocution, la ministre de la Promotion féminine, de l’Enfance et des Personnes vulnérables a d’abord salué la présence des jeunes filles venues de tout le territoire national. « Chères filles, votre participation est un acte important », a- déclaré Charlotte Daffé, soulignant que leur venue témoignait de leadership et de responsabilité. « Vous êtes ici non pas pour écouter passivement, mais pour proposer, interpeller et inspirer. Vos témoignages sont la matière première de tous les programmes et projets que nous mettrons en place pour vous protéger, vous accompagner et vous soutenir davantage », a-t-elle indiqué.

la ministreCharlotte Daffé

La ministre a ensuite exprimé le vœu que cette consultation soit un tremplin pour mettre en place des programmes en faveur des filles : « Je formule le vœu que ces consultations soient un tremplin pour formuler des propositions fortes et réalistes, capables de nourrir les politiques et programmes en faveur des filles. Je souhaite que les discussions abordent sans détours les réalités les plus difficiles :

  • L’accès encore limité à une éducation de qualité ;
  • Le maintien des filles à l’école ;
  • Les violences basées sur le genre, les MGF ;
  • Les mariages d’enfants ;
  • Les grossesses non désirées qui brisent tant de parcours ».

Le message de l’UNICEF : une vision pour l’avenir des filles… 

Prenant la parole à son tour, Maddalena Bertolotti, représentante de l’UNICEF en Guinée, a salué la tenue de ces consultations comme « un espace qui reconnaît et respecte le pouvoir des filles ». Elle a rappelé que ce processus s’inscrit dans une dynamique régionale couvrant 24 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, visant à co-créer un Agenda régional des droits des filles.

« Ce que vous exprimerez ici, à Conakry, sera entendu à Dakar et influencera les politiques, programmes et budgets dans toute la région », a-t-elle affirmé, en référence au Sommet régional des filles prévu en octobre 2025 dans la capitale sénégalaise.

S’adressant directement aux participantes, elle les a encouragées à faire entendre leur voix : « Vous avez le droit de rêver, parce que vos rêves ne sont pas des illusions – ils sont des plans pour l’avenir. Vous avez le droit de revendiquer, car vos droits ne sont pas une faveur – ils sont une obligation pour ceux qui gouvernent. Votre voix est votre pouvoir. Et aujourd’hui, vous êtes dans un espace où ce pouvoir est reconnu et respecté. Utilisez-le pleinement, avec courage et solidarité. Nous savons que les défis sont nombreux : mariages précoces, violences, inégalités, exclusion scolaire, manque d’opportunités économiques. Mais nous savons aussi que vous êtes une génération déterminée, prête à transformer ces obstacles en victoires ».

unicefMaddalena Bertolotti

Mme Bertolotti a également insisté sur la nécessité d’impliquer les garçons et jeunes hommes pour promouvoir une masculinité positive, gage d’une société plus juste et égalitaire. Elle a conclu en formulant trois engagements au nom des Nations-Unies : écouter réellement les filles, agir sur la base de leurs recommandations et leur rendre compte des changements obtenus.

Une diversité représentative et un programme structuré

Les 100 adolescentes présentes, âgées de 10 à 19 ans, reflètent la diversité géographique, sociale et culturelle de la Guinée. Certaines viennent de zones rurales reculées, d’autres de quartiers urbains défavorisés ; plusieurs sont en situation de handicap ou issues de groupes marginalisés. Toutes partagent un même objectif : transformer leur vécu en levier de changement.

L’agenda de la première journée a alterné discours officiels (ministre, représentante de l’UNICEF, directrice exécutive du CJFLG), photo de famille, panel thématique (« Jeunes filles, actrices de changement ») et séances de consultation où les participantes ont partagé leur « ligne de vie », leur vision pour l’avenir et leurs recommandations.

La deuxième journée est consacrée aux restitutions, au cercle intergénérationnel permettant un dialogue direct avec les décideurs, et à la formulation finale des recommandations.

photo de groupe

Vers le Sommet régional de Dakar

Les conclusions de cette Consultation nationale feront l’objet d’un rapport transmis au Bureau régional de l’UNICEF et présenté lors du Sommet régional des filles, prévu en octobre 2025 à Dakar. Cette démarche s’inscrit dans un mouvement plus large de reconnaissance des filles comme actrices à part entière dans l’élaboration des politiques publiques.

« L’histoire ne se fera plus sans nous »

En clôture de son intervention, Oumou Khaïry Diallo a lancé un appel vibrant : « L’histoire ne se fera pas sans nous. Et désormais, elle ne se fera plus sans nous. Lorsque les filles sont épanouies et qu’elles avancent, c’est la Guinée qui se développe ».

Photo de famille

Cette Consultation nationale des filles à Conakry n’est pas seulement un événement. C’est une déclaration, un engagement collectif et un jalon historique pour la Guinée. Elle affirme que l’avenir des politiques qui concernent les filles se construira désormais avec elles, et non à leur place.