En Guinée, un phénomène souvent ignoré, mais aux conséquences profondes, touche la végétation dans les zones minières et les villes en pleine croissance : la poussière de latérite. Elle recouvre silencieusement les arbres et cultures, mettant en péril l’environnement et compromettant la sécurité alimentaire.
Dans les zones minières et les agglomérations urbaines en expansion, un phénomène passe souvent inaperçu, mais dont l'impact est profond : l'accumulation de poussière sur la végétation. En Guinée, notamment dans les régions fortement exploitées pour leurs ressources minières, la poussière chargée de particules de latérite recouvre en permanence le feuillage des arbres et des cultures. Ce constat, souvent minimisé, pourrait pourtant avoir des conséquences graves sur l’environnement et la sécurité alimentaire.
Les plantes dépendent d'un équilibre précis entre la lumière, l'eau et les échanges gazeux pour assurer leur croissance. La poussière constitue un véritable frein à ces processus. Pour comprendre les répercussions de cette pollution invisible, nous nous sommes entretenus avec Souleymane Mansaré, cadre à l'Agence guinéenne d'évaluation environnementale au ministère de l'Environnement.
Selon ce spécialiste, la poussière impacte la végétation à la fois physiquement et chimiquement : « La sédimentation des particules sur les feuilles limite des processus vitaux tels que la photosynthèse, la respiration et la transpiration. La poussière bloque la lumière du soleil, réduit la captation du dioxyde de carbone et empêche les échanges gazeux nécessaires. De plus, elle altère la surface des feuilles, modifie leur structure et peut entraîner leur dessèchement ».
Des études scientifiques confirment que l'accumulation de poussière peut réduire le taux de photosynthèse de 30 à 50%, entraînant un affaiblissement progressif des plantes et une diminution de leur production de fruits ou de grains.
Une pollution chimique insidieuse
Outre les effets physiques, la composition chimique de la poussière issue des exploitations minières et industrielles constitue une menace supplémentaire. Elle contient souvent des métaux lourds (plomb, cadmium, arsenic) et des particules fines qui peuvent altérer la qualité des sols et contaminer les cultures.
La pollution par la poussière affecte aussi les micro-organismes du sol qui participent à la décomposition de la matière organique et à la fertilité. Une exposition prolongée peut donc entraîner un appauvrissement des sols, compromettant la productivité agricole à long terme.
Face à cette situation, les services de l'Agence guinéenne d'évaluation environnementale tentent de mettre en place des mesures d'atténuation. Souleymane Mansaré explique : « Nous recommandons aux sociétés minières et industrielles d'intensifier l'arrosage des routes et des chantiers pour limiter les envolées de poussière. Certaines entreprises ont dû revoir leurs pratiques sous la pression de notre agence. Toutefois, nous constatons encore de nombreuses lacunes dans l'application des réglementations environnementales ».
Souleymane Mansaré
D'autres solutions pourraient être envisagées, comme la mise en place de barrières végétales pour capter la poussière avant qu'elle n'atteigne les cultures, ou encore le pavage des routes pour réduire les particules en suspension.
Un enjeu pour la biodiversité et la sécurité alimentaire
L'impact de la poussière sur la végétation ne se limite pas aux cultures agricoles. Les forêts, qui jouent un rôle crucial dans la régulation climatique et la conservation de la biodiversité, sont également affectées. De nombreuses espèces animales dépendent des arbres pour se nourrir et se reproduire. Un affaiblissement de la végétation peut entraîner des déséquilibres dans les écosystèmes locaux.
En outre, dans un contexte où la sécurité alimentaire devient un enjeu majeur, la protection des cultures contre ce type de pollution est essentielle. Les fruitiers et les cultures vivrières exposés à une accumulation de poussière voient leur rendement diminuer, ce qui peut affecter la disponibilité des denrées alimentaires.
Ce problème environnemental ne doit plus être ignoré. Il est crucial que les autorités mettent en place des politiques environnementales plus strictes pour limiter l'impact de la poussière sur la végétation. L'implication des industries, mais aussi des citoyens, est indispensable pour trouver des solutions durables.
La mise en place de systèmes de surveillance environnementale, le renforcement des obligations d'arrosage et l'implantation de zones tampons végétales font partie des mesures nécessaires pour réduire ce fléau.
La poussière ne doit plus être perçue comme un simple inconvénient visuel. Elle constitue une menace réelle pour la biodiversité, l'agriculture et notre santé. Il est temps d'agir pour préserver notre environnement et assurer un avenir durable aux générations futures.
A. Sylla