Inondations en Guinée : une crise aggravée par l’inaction collective
En Guinée, les inondations récurrentes révèlent l’inaction collective. Urgence d’agir : citoyens, autorités et médias doivent unir leurs efforts.
Lieu fondateur de N’Zérékoré, la source Zaly, aujourd’hui polluée et occupée, se dégrade. Témoignages et pistes d’action pour sa restauration.
Considéré comme un lieu sacré et origine étymologique de la ville de N’Zérékoré et de sa région, la source Zaly est aujourd’hui méconnaissable. Pollution, abandon et occupation anarchique ont défiguré ce patrimoine naturel et culturel. Alors que de plus en plus de voix commencent à s’élever pour réclamer sa restauration, l’on s'inquiète si ce symbole fondateur de la ville ne pourrait pas disparaître.
Autrefois source de vie, lieu de rituels et d’approvisionnement en eau pour les habitants de la ville, la source Zaly et ses alentours sont aujourd’hui ensevelies sous les déchets. Même si l'accès à la source elle-même est restreint et limité, les actions anthropiques, pour leur part, trouvent le moyen de se faufiler. Située à proximité de plusieurs bâtiments administratifs dans la commune urbaine de N’Zérékoré, elle subit une dégradation continue dans l’indifférence presque générale.
Pour Edmond Gamys Zogbélémou, descendant d’une lignée liée à l’histoire fondatrice de la ville, ce lieu sacré est chargé de mémoire. Il revient sur l’origine de la source et son lien avec la naissance de N’Zérékoré. « Lorsqu’un de nos ancêtres est arrivé dans cette région, il souffrait de gale. Ses frères, craignant la contagion, l’ont isolé près de cette source. C’est là qu’il se baignait pour soulager ses douleurs. Un jour, après s’être endormi, il est revenu se laver et, miracle, la maladie a disparu à mesure qu’il versait l’eau sur lui. Il a alors remercié Dieu en déclarant : “On m’a mis à côté de mon médicament.” En kpèlè, cela se dit “Danaa Zalikölè”. C’est ainsi qu’il a fondé le village Zalikölè, que les colons [français] ont ensuite transformé en N’Zérékoré », raconte-t-il.
Mais ce lieu historique est aujourd’hui méprisé, selon le patriarche : « Personne n’a reçu une autorisation officielle pour occuper les abords de la source. Chacun est venu s’installer comme il voulait. La justice, la police, la gendarmerie, l’inspection régionale de l’éducation sont toutes proches, mais malgré cela, aucune action concrète n’a été entreprise pour préserver Zaly. Là où se trouvent aujourd’hui des ateliers de menuiserie, c’était autrefois un espace de réjouissance folklorique pendant les rituels ».
Devenue un dépotoir, la source Zaly fait face à l’incivilité persistante des populations riveraines. « Même quand on la nettoie, des gens viennent la nuit jeter des ordures. Un caniveau débouche directement dans la source. À chaque saison des pluies, toutes les saletés y sont entraînées. Tant qu’on ne règle pas ce problème de canalisation, il sera difficile de restaurer la propreté de Zaly », estime Rodrigue Kouayo, riverain faisant partie des bénévoles qui tentent parfois de préserver la source.
« Nous avons traversé beaucoup de difficultés. À une époque, une route traversait la source pour rejoindre le grand marché de N’Zérékoré. Certains citoyens profitaient de la nuit pour y jeter leurs déchets. Grâce à la collaboration des sages et des ONG, on a pu réduire ces comportements », explique Saa Tamba Dembadouno.
Pour Amadou Baïlo Baldé, spécialiste en environnement, la dégradation de la source Zaly est une perte patrimoniale regrettable. « Cette source aurait pu générer des revenus touristiques à travers sa valeur historique et culturelle. Si tout le monde reste passif alors que la source disparaît, cela signifie que chacun porte une part de responsabilité. Il est encore temps d’agir. Il faut l’aménager, y planter des arbres adaptés, et créer un espace de mémoire », conseille l’environnementaliste.
Assurant être conscient de l’état alarmant dans lequel se trouve la source Zaly, le président de la Délégation spéciale de N’Zérékoré, Nyakoye Georges Oscar Lamah, reconnaît l’ampleur des dégâts causés par des années de négligence et d’occupations anarchiques.
Pour lui, il devient urgent d’agir afin de préserver ce patrimoine commun. Il affirme que des efforts sont envisagés pour entamer sa restauration, bien que les moyens techniques et financiers fassent cruellement défaut à la collectivité. « Aujourd’hui, la source Zaly est dans un état de dégradation avancé. C’est un constat que nous faisons tous les jours, et nous en sommes profondément préoccupés. Nous avons la volonté de la restaurer et de la remettre en valeur, mais cela nécessite d’importants moyens que la commune ne possède malheureusement pas. C’est pourquoi nous lançons un appel à la population, ainsi qu’aux personnes de bonne volonté, pour qu’elles nous accompagnent dans cette entreprise de sauvetage », lance-t-il.
M. Lamah évoque également avec émotion les souvenirs d’enfance liés à cette source. « Quand nous étions enfants, l’eau de la source Zaly était limpide, propre, et même consommée sans crainte. Aujourd’hui, voir ce lieu sacré et chargé d’histoire abandonné et envahi par les déchets fait mal au cœur. Il faut reconnaître que ce sont les actions des humains qui ont provoqué cette dégradation, mais ce sont aussi les hommes qui peuvent, par leur engagement, inverser la tendance », conclut le premier responsable de la mairie de N’Zérékoré.
Gilbert Tinguiano