RGPH-4 et PN-RAVEC en Guinée : deux recensements, deux finalités distinctes !

RGPH-4 et PN-RAVEC en Guinée : deux recensements, deux finalités distinctes !

Pourquoi la Guinée a mené en 2025 le PN-RAVEC et le RGPH-4 ? Découvrez leurs différences, leurs objectifs et pourquoi ils vous concernent directement.

Au cours de cette année, 2025, la Guinée a connu deux grandes opérations de recensement : le Recensement général de la population et de l’habitation (RGPH-4) et le Programme national de recensement administratif à vocation d’état civil (PN-RAVEC). Souvent confondues, ces deux initiatives poursuivent pourtant des objectifs différents mais complémentaires, chacun étant crucial pour l’État et les citoyens.

Le PN-RAVEC vise à moderniser l’état civil et à identifier chaque citoyen

Le PN-RAVEC est piloté par le ministère de l’Administration du territoire et de la Décentralisation (MATD). Il s’agit d’une opération non obligatoire mais fortement recommandée pour chaque Guinéen, lancée le 15 avril 2025.

Son objectif : mettre en place un système d’état civil biométrique, fiable et moderne, attribuant à chaque citoyen un numéro personnel d’identification (NPI) et constituant une base de données sécurisée, essentielle notamment à l’élaboration du fichier électoral.

Selon le ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, le Général Ibrahima Kalil Condé, ce registre permettra aussi de géolocaliser les électeurs afin d’assurer une répartition équitable des bureaux de vote. Le coordinateur national du programme, Boubacar Biro Condé a précisé que le PN-RAVEC n’est pas seulement un outil électoral. « Il s’agit d’un levier essentiel pour garantir à chaque citoyen guinéen une identité juridique et numérique. Le registre que nous avons constitué va au-delà des élections : il s’inscrit dans les objectifs de développement durable », a-t-il expliqué.

Qui était concerné et comment s’est déroulé l’enrôlement ?

Tenu du 15 avril au 25 juin 2025 en Guinée et dans certaines représentations diplomatiques guinéennes à l’étranger, le PN-RAVEC a ciblé les personnes âgées de 10 ans et plus, résidant en Guinée ou à l’étranger. L’opération a reposé sur la collecte des données biographiques et biométriques : empreintes digitales, informations personnelles, extrait de naissance ou (dans certains cas) pièce d’identité.

En Guinée, l’enrôlement s’est déroulé du 15 avril au 20 juin 2025 dans des centres spécialement aménagés. Pour la diaspora, il a eu lieu dans les ambassades et consulats du 1er au 25 juin 2025.

Les résultats provisoires publiés le 19 juillet 2025 indiquent :

  • Total recensé avant dédoublonnage : 9 121 500 
  • Doublons confirmés : 111 319
  • Effectif final sur le Registre national des personnes physiques (RNPP) : 9 010 181
  • Électeurs inscrits dans le fichier électoral biométrique : 6 748 920

Pourquoi s’enrôler ?

Se faire enrôler, c’est faire reconnaître officiellement son existence par l’État et obtenir plus facilement des documents administratifs, tels que carte d’identité ou carte d’électeur. Comme le rappelle Bangaly Condé, chef de la cellule Sensibilisation et Communication au Bureau central de recensement : « Pour affirmer sa citoyenneté, il faut participer au processus électoral. Et pour voter, il faut être inscrit sur une liste électorale ».

Le gouvernement précise que les données collectées serviront à :

  • Gérer l’état-civil de manière transparente ;
  • Planifier le développement ;
  • Répartir équitablement les ressources ;
  • Fonder la gouvernance territoriale sur des données fiables.

Les autorités assurent que cette opération s’inscrit dans le cadre du “chronogramme de la refondation”, avec pour objectif de délivrer des actes authentiques, numériser les anciens documents, régulariser les situations civiles et sécuriser le registre national.

Que risque-t-on si l’on ne s’enrôle pas ?

Refuser de participer au PN-RAVEC, d’après les autorités, c’est risquer :

  • De ne pas voter ;
  • De ne pas figurer sur la liste électorale ;
  • De ne pas avoir de document d’identité valide ;
  • De ne pas obtenir de numéro d’identification personnel ;
  • De ne pas être compté dans les politiques publiques.

Le RGPH-4 a pour finalité de recenser pour mieux planifier les politiques publiques de développement

Le Recensement général de la population et de l’habitation (RGPH-4), qui est à sa quatrième fois depuis l’indépendance de la Guinée, est une opération statistique décennale recommandée par le Système des Nations-Unies. Elle est pilotée par le ministère du Plan et de la Coopération internationale via l’Institut national de la statistique (INS).

Contrairement au PN-RAVEC, il couvre toute la population résidente sur le territoire guinéen, y compris les étrangers, les nouveau-nés et les visiteurs temporaires. Les Guinéens de l’étranger ne sont pas concernés.

Son objectif est de dresser un portrait démographique, socio-économique et géographique de la population afin d’orienter les politiques publiques, planifier les infrastructures et suivre les Objectifs de développement durable (ODD).

Méthodologie et collecte des données

Du 1er au 31 juillet 2025, les agents recenseurs se sont déplacés de ménage en ménage, équipés de tablettes, sans exiger de documents officiels.

Trois catégories ont été enregistrées :

  • Résident présent : vit dans le ménage et s’y trouve lors du passage de l’agent ;
  • Résident absent : vit habituellement dans le ménage mais était absent lors du passage ;
  • Visiteur : ne réside pas dans le ménage mais y a passé la nuit précédente.

Le processus est validé à plusieurs niveaux, du chef d’équipe jusqu’au Bureau central de recensement, afin de garantir la fiabilité des données.

Utilité du RGPH-4

Le recensement permet de calculer :

  • La taille de la population ;
  • Sa répartition géographique ;
  • Ses caractéristiques socio-économiques (éducation, fécondité, mortalité, migration, logement).

Ces informations servent de base aux plans de développement locaux et nationaux. Par exemple, une localité de 10 000 habitants dépourvue d’école ou de centre de santé peut être priorisée dans les investissements publics.

Ne pas se faire recenser, un risque sur dix ans

Si une partie de la population échappe au recensement, les actions de développement risquent d’être sous-évaluées pour la prochaine décennie. La clé de répartition des ressources dépend en grande partie de la taille réelle des populations locales.

Deux démarches, un même but : mieux connaître pour mieux agir

Le PN-RAVEC répondait à un impératif d’identification administrative et politique, tandis que le RGPH-4 fournissait les données statistiques nécessaires à la planification socio-économique. Ensemble, ils participent à un même objectif : compter chaque citoyen pour qu’il compte dans les décisions.

Refuser de se faire recenser, c’est choisir l’invisibilité, aussi bien dans les droits civiques que dans les politiques publiques.

Elisabeth Zézé Guilavogui