L'avortement en Guinée, bien qu'interdit par la loi, demeure un sujet complexe où les défis législatifs et sociaux se rencontrent, créant des tensions entre le droit et la réalité quotidienne des femmes. En vertu du Code pénal guinéen, l'avortement est défini comme…
L'avortement en Guinée, bien qu'interdit par la loi, demeure un sujet complexe où les défis législatifs et sociaux se rencontrent, créant des tensions entre le droit et la réalité quotidienne des femmes. En vertu du Code pénal guinéen, l'avortement est défini comme l'interruption artificielle de la grossesse, réalisée par des moyens chirurgicaux ou médicamenteux. Bien que l'interruption de grossesse soit en principe prohibée, des exceptions existent dans des cas spécifiques liés à la vie de la femme enceinte ou de l'enfant à naître.
Une législation restrictive avec quelques exceptions
Le juriste Ibrahima Kalil Camara rappelle que l'article 262 du Code pénal définit l'avortement comme l'interruption prématurée de la grossesse, qu'elle soit provoquée par des moyens chirurgicaux ou médicamenteux. « Selon l'article 263, toute personne qui provoque un avortement illégal encourt une peine de prison de un à deux ans. Cette peine s'applique également aux professionnels de santé, qui risquent une interdiction d'exercer pendant cinq ans », a-t-il précisé.
Cependant, bien que l'avortement soit principalement interdit, la loi prévoit des exceptions. « L'avortement peut être autorisé dans des situations spécifiques, telles que les cas de viol, d'inceste ou de grossesse issue d'un mariage précoce. La loi permet aussi l'interruption de grossesse lorsque la vie de la mère est en danger ou lorsque l'enfant à naître présente des malformations graves, rendant sa naissance inviable. Dans ces cas, un collège de médecins spécialistes doit établir un procès-verbal autorisant l'avortement », a expliqué Kalil Camara.

Kalil Camara
La non-punition de la femme elle-même lorsqu'elle se fait avorter illégalement constitue l'une des faiblesses du cadre législatif guinéen. « La loi se concentre plutôt sur les personnes qui assistent la femme dans cette démarche, notamment les professionnels de santé. Dans certains pays, la législation inclut la responsabilité des femmes, ce qui reste une différence notable dans le cadre guinéen », déclare le juriste Ibrahima Kalil Camara.
La stigmatisation persiste
Aïcha Chérif Haïdara, présidente de l'Association Générale pour le Bien-être Familial, pointe les difficultés liées à l'accès aux services d'avortement en Guinée. Selon elle, même si la loi prévoit certaines exceptions, l'accès à des services médicaux sécurisés reste limité en raison des restrictions légales et de la stigmatisation sociale. « Dans notre société, le poids de la religion et des coutumes pèse lourdement. Une femme qui cherche à se faire avorter est souvent stigmatisée et marginalisée, même si elle se trouve dans une situation légale », explique Aïcha.
Selon elle, les jeunes filles victimes de viols, notamment, se retrouvent souvent dans une position difficile. « Un bébé ne peut pas avoir un bébé », affirme-t-elle, soulignant l'importance de protéger les droits et la santé des mineures confrontées à des grossesses non désirées. L'absence d'information et de soutien dans ces situations engendre souvent des recours à des méthodes dangereuses, car elles n'ont pas accès à des soins appropriés. « D’où la nécessité de faire connaître nos lois », à travers des sensibilisations et des plaidoiries.
De plus, les médecins et le personnel de santé, bien que conscients des dispositions légales, sont souvent confrontés à la pression sociale et religieuse, ce qui les empêche d'agir en toute impartialité. La stigmatisation liée à l'avortement les dissuade parfois de pratiquer cette procédure, même dans les cas où elle serait légalement autorisée.
Appel à une évolution de la loi

Aïcha Chérif Haïdara
Pour de nombreuses organisations féministes et défenseurs des droits humains, la loi guinéenne sur l'avortement doit être réformée pour mieux répondre aux besoins des femmes et garantir un accès sécurisé à l'avortement dans des conditions légales. « En attendant une évolution législative, il est crucial d'entreprendre une sensibilisation à grande échelle, afin de démystifier l'avortement et d'informer les femmes sur leurs droits », souhaite Aïcha Chérif Haïdara.
Le sujet de l'avortement en Guinée va bien au-delà de la simple question juridique. Il s'agit d'une question profondément enracinée dans nos valeurs religieuses et culturelles, qui façonnent nos comportements sociaux et influencent les choix politiques. Toutefois, il est important de veiller à ce que, dans le cadre des principes sacrés qui régissent notre société, les femmes puissent avoir accès à des solutions adaptées en cas de situations extrêmes, tout en préservant les valeurs fondamentales de la dignité humaine et du respect de la vie.
Mamadou Bhoye Barry