Dominya, un pan de l’histoire négrière de Guinée en péril…

Dominya, un pan de l’histoire négrière de Guinée en péril…

À Dominya, les vestiges de la traite négrière s’effacent en silence, faute d’entretien et de reconnaissance.

À Boffa, dans l’ouest de la Guinée, le district de Dominya conserve encore des vestiges de la traite négrière transatlantique. Ce patrimoine unique, témoin d’un pan tragique de l’histoire mondiale, est aujourd’hui menacé par l’oubli et le manque d’entretien.

Située au bord du fleuve Fatala, la préfecture de Boffa fut au XIXe siècle l’un des points de départ des esclaves africains expédiés sans retour vers les Amériques, notamment en Caroline du Sud, aux Etats-Unis. Le district de Dominya, en particulier, abrite encore deux anciens ports négriers : Paterson Zochonis (PZ) et le port Niger, où s’effectuaient les échanges des “produits locaux”, notamment des esclaves contre des pacotilles européennes.

Des vestiges abandonnés

Aujourd’hui, certes plusieurs traces de cette époque subsistent, comme le puits des esclaves, les prisons, les blocs administratifs des négriers, les quais d’accostage et même un tunnel où les captifs étaient enfermés. Toutefois, ces monuments, chargés de mémoire, tombent progressivement en ruine.

A travers son contributeur dans la région, IdimiJam.com a rencontré des citoyens de la localité. « Nous avons ici un patrimoine riche mais abandonné et qui est en voie de disparition. Dominya est un village rempli d’histoires de la traite négrière, avec des preuves visibles/ Mais il n’est pas aménagé », regrette Momo Crameur Conté, un des sages du district.

Une histoire ancienne et méconnue

Dominya fut fondé à la fin du XVIe siècle par Domin Conté et son frère, deux chasseurs d’éléphants venus du Fouta Djallon, fuyant les conflits liés à l’islamisation de la région. Ce site, devenu plus tard un haut lieu du commerce triangulaire, a également vu passer plusieurs vagues de colons européens : Anglais, Hollandais, puis Français.

Dominya - église

La première église anglicane de Boffa y fut construite par les Britanniques en janvier 1862. Plusieurs familles d’origine métisse ou étrangère y ont laissé leur empreinte : Barrizakiss, Torne, Fabert, Wilkinson, Curtis, Fernandez…

Les Almamys successifs – Alkhaly Yala, Alkhaly Bayo, Alkhaly Koubi Camara – ont joué un rôle central dans la gestion locale à l’époque coloniale. Le dernier, Alpha Koubi Camara, est entré dans l’histoire pour sa résistance à l’impôt obligatoire et aux travaux forcés. Il fut l’un des premiers à interpeller les autorités coloniales pour défendre les siens.

Une richesse à préserver

La directrice préfectorale de la Culture, du Tourisme et de l’Hôtellerie, Idiatou Barry, indique que Boffa recèle au total 16 sites touristiques, répartis entre sites naturels et sites historiques. « Depuis mon arrivée à la tête de cette direction, nous avons répertorié plusieurs sites, dont Dominya, Farenghia, Thia, Kissing, Kossinssi et Bel-Air. Des formations ont été organisées pour les populations locales afin d'assurer la protection de ces patrimoines », explique-t-elle.

Elle reconnaît toutefois que l’État tarde à agir de manière concrète. « Je ne peux rien promettre, mais certains sites sont dans le plan du ministère de la Culture pour une future réhabilitation, notamment Farennya. Si des sites comme Bel-Air, Dominya ou Farenghia sont bien aménagés, ils pourraient créer des emplois et générer des revenus pour Boffa », souligne Mme Barry.

Entre les ruines oubliées et les souvenirs effacés, Dominya appelle à une prise de conscience urgente. Il ne s’agit pas seulement de préserver des pierres, mais de sauvegarder la mémoire d’une région et d’un peuple, à l’heure où le tourisme patrimonial devient un moteur de développement dans plusieurs pays en Afrique.

Aly Lato Camara