La Direction générale des élections (DGE) a fixé la caution pour être candidat à la présidentielle prévue le 28 décembre 2025 à 900 millions de francs guinéens (GNF). Un record sous-régional ! Et les dépenses de campagne ne devront pas dépasser les 40 milliards de francs guinéens.
Des chiffres qui font déjà grincer des dents. Dans un pays où le salaire moyen peine à atteindre 1,5 million de francs, réunir une telle somme n'est pas une mince affaire. Même pour des partis politiques bien structurés, c’est un effort énorme, qui demande des ressources parfois hors de portée des acteurs émergents.
La Guinée au-dessus de ses voisins
Avec cette décision, la Guinée dépasse largement plusieurs pays de la sous-région. En Côte d’Ivoire, la caution pour la présidentielle de 2025 est fixée à 50 millions FCFA, soit environ 767 millions GNF. Au Sénégal, lors de la présidentielle de 2024, elle était de 30 millions FCFA, soit près de 460 millions GNF. Au Bénin, elle était de 50 millions FCFA (environ 767 millions GNF), tandis qu’au Ghana et au Nigeria, les montants sont respectivement d’environ 100 000 cedis ghanéens (près de 500 millions GNF) et 10 millions de nairas (environ 800 millions GNF).
Autrement dit, avec 900 millions GNF, la Guinée affiche la caution la plus élevée de toute la région ouest-africaine.
Une élection réservée aux ultras riches ?
Derrière ces chiffres, c’est un signal fort, mais aussi un frein pour beaucoup. Qui pourra réellement se présenter ?
Les candidats indépendants ou issus de petits partis risquent d’être écartés, faute de moyens. Et quand on sait qu’aucun remboursement n’est prévu pour ceux qui obtiendront moins de 5 % des voix, la candidature devient un vrai pari coûteux, parfois même décourageant.
« Si le coût pour se présenter est si élevé, seuls les riches pourront concourir, et le reste du peuple n’aura d’autre choix que de voter pour eux », analyse un jeune militant politique. Le risque est réel : les petits partis, souvent porteurs d’idées nouvelles, pourraient être exclus au profit des candidats déjà fortunés.
La DGE justifie ces montants par la volonté d’assurer une campagne « transparente et responsable ». Mais dans les faits, cette mesure risque de creuser encore plus le fossé entre dirigeants et citoyens.
La transparence du financement politique
Au-delà de la caution, le plafond des dépenses de 40 milliards GNF soulève une vraie question : comment contrôler cet argent ? Dans la pratique, il existe très peu de mécanismes pour vérifier que chaque candidat respecte le plafond. Des fonds peuvent circuler de manière indirecte ou non déclarée. Ce qui remet en cause l’idée d’une campagne totalement transparente.
C’est pourquoi un suivi régulier et des sanctions claires sont indispensables. Sinon, ce plafond de 40 milliards reste presque symbolique, et les inégalités entre candidats risquent de persister.
Cette élection s’annonce donc particulière : non seulement à cause des enjeux politiques, mais aussi du prix à payer pour simplement exister dans la course. Le montant élevé de la caution, combiné à l’incertitude sur le contrôle des dépenses, pourrait limiter la pluralité des candidats et renforcer la domination des partis riches ou déjà installés.
Pour que la présidentielle reste un vrai outil démocratique, il faudra trouver un équilibre entre rigueur financière et accès équitable. Transparence dans le financement, mécanismes de contrôle crédibles, possibilité pour les candidats modestes de participer… tous ces éléments seront essentiels pour éviter que l’élection ne soit perçue comme réservée aux plus fortunés.
La présidentielle de 2025 en Guinée pose donc un double défi : assurer une élection responsable et transparente tout en préservant l’inclusivité et la diversité des candidatures, indispensables pour la crédibilité du scrutin et la confiance des citoyens.
Mayamba Traoré