En Guinée, l’hémorragie du post-partum reste la principale cause de mortalité maternelle. La sage-femme Sira Keita dénonce les erreurs de prise en charge et appelle à plus de formation, de rigueur et de responsabilité pour sauver des vies.
Sira Keita est une sage-femme expérimentée qui compte 20 ans d’expériences. Dans un entretien accordé à un contributeur d’IdimiJam.com, elle alerte sur un fléau qui continue de coûter la vie chaque année à de nombreuses femmes après l’accouchement : l’hémorragie du post-partum. Elle dénonce sans détour l’incompétence de certains personnels de santé et les erreurs fréquentes dans la prise en charge de cette urgence obstétricale.
Selon elle, l’hémorragie du post-partum demeure la première cause de mortalité maternelle en Guinée, représentant près de 80 % des décès enregistrés dans les maternités. Pourtant, la plupart de ces drames pourraient être évités si les protocoles étaient strictement appliqués.
« L’hémorragie du post-partum se définit par une perte sanguine supérieure à 500 ml au moment de l’accouchement. Les causes sont variées : un gros fœtus, une grossesse gémellaire entraînant une distension utérine, une infection amniotique, la rétention de débris placentaires ou encore une déchirure du col de l’utérus », explique-t-elle.
La sage-femme précise que la gravité de la situation est souvent aggravée par une prise en charge tardive, une mauvaise administration des médicaments ou un manque de compétence du personnel soignant.
Une prise en charge qui nécessite rigueur et coordination
Pour Sira Keita, la gestion rapide et efficace est essentielle. « Dès qu’une hémorragie survient, il faut appeler à l’aide et impliquer tout le monde, du garçon de salle au chef de centre. Il faut poser deux voies veineuses, assurer un remplissage vasculaire avec des solutés comme le Ringer lactate ou le sérum salé, et rechercher immédiatement la cause », insiste-elle.
Elle rappelle l’importance d’adapter la réponse : réparer une déchirure en cas de traumatisme, masser l’utérus en cas de distension, surveiller étroitement une patiente hypertendue. « Il ne faut jamais se tromper de diagnostic : traiter une inertie utérine comme une déchirure du col est une perte de temps et de chances de survie pour la patiente », avertit la sage-femme.
Erreurs récurrentes et manque de formation
Sira Keita pointe également un défaut de culture médicale concernant la délivrance du placenta. « Beaucoup pensent qu’il faut l’extraire au bout de deux ou trois minutes, alors qu’il faut observer les signes cliniques. Cette ignorance provoque de nombreuses hémorragies fatales », regrette-t-elle.
Des médicaments mal utilisés
Avec 20 ans d’expérience, Sira Keita met aussi en garde contre l’usage inapproprié de produits comme l’ocytocine et le misoprostol. « Certaines injectent une ampoule entière d’ocytocine en intraveineux direct au lieu de la diluer, ce qui peut provoquer une rupture utérine. Quant au misoprostol, c’est un comprimé de 200 microgrammes qu’il faut diviser en doses de 25 microgrammes, mais beaucoup le donnent entier », dénonce la professionnelle de santé.
Pour elle, ces erreurs traduisent un manque de formation et de conscience professionnelle. « Une sage-femme doit savoir reconnaître ses limites et ne pas provoquer de complications qu’elle ne peut gérer, surtout dans des zones dépourvues de blocs opératoires », conseille Sira Keita.
Enfin, notre interlocutrice appelle à une mobilisation collective. « Réduire la mortalité maternelle exige de la rigueur, de la responsabilité et un véritable respect des procédures. Chaque femme qui accouche est attendue par une famille. Sauver sa vie, c’est préserver tout un foyer », conclut la sage-femme.
Djeneba Diakité