Guinée : les biologistes médicaux en quête de reconnaissance et de moyens
La biologie médicale, pilier du système de santé en Guinée, reste sous-évaluée. Découvrez son rôle clé, ses défis et les revendications des biologistes.
La biologie médicale, pilier du système de santé en Guinée, reste sous-évaluée. Découvrez son rôle clé, ses défis et les revendications des biologistes.
La biologie médicale, composante essentielle du système de santé, repose sur l'analyse d'échantillons biologiques tels que le sang, la salive, les selles, etc. Elle joue un rôle central dans la prévention, le diagnostic et le traitement des maladies.
« Elle permet de confirmer les diagnostics de présomption, d’orienter et d’accompagner les médecins dans le traitement des patients. C’est aussi un moyen efficace de prévention grâce au dépistage ou à la détection précoce de maladies en phase de latence », explique le Dr Ibrahima Sory Diallo, biologiste dans une polyclinique de Conakry.
Selon lui, la biologie médicale couvre plusieurs spécialités : biologie des agents infectieux, biologie de la reproduction, immunologie, hématologie biologique, biologie moléculaire et cytogénétique. « Le rôle que nous jouons est déterminant pour le médecin. Une erreur de notre part peut entraîner une erreur médicale. En quelque sorte, la biologie médicale représente les yeux du médecin dans la prise en charge des maladies », précise-t-il.
Malgré son importance, la profession de biologiste médical reste peu considérée dans le pays. Lors du dernier concours d'intégration à la fonction publique, près de 3 000 biologistes médicaux ont vu leur filière supprimée de la liste du ministère de la Santé. « À ce jour, l'État guinéen refuse de nous reconnaître, et l’Ordre national des biologistes de Guinée n’existe que sur le papier, contrairement à celui des médecins ou des pharmaciens. Pourtant, chaque année, l’université Gamal Abdel Nasser de Conakry forme des biologistes qui n’ont aucun document leur permettant d’exercer à l’étranger ni d’attester officiellement de leur statut », déplore Dr Diallo. « C’est un véritable paradoxe : former des biologistes, puis refuser de les reconnaître », regrette-t-il.
Les établissements d'enseignement supérieur en biologie médicale sont rares et souvent mal équipés. L'absence de matériel adéquat empêche une formation pratique de qualité, pourtant indispensable dans ce domaine. Le manque d’organisation de la profession complique également la mise en place d’un Ordre national fonctionnel. En ce qui concerne la spécialisation, les opportunités restent limitées et coûteuses. « Pour une spécialisation, il faut disposer d’un passeport et d’au moins 11 millions de francs guinéens. Ce qui est hors de portée pour certains d’entre nous, compte tenu du manque d’emploi et de la précarité dans laquelle nous vivons », explique le biologiste.
Face à ces défis, Dr Diallo recommande d’équiper les hôpitaux et les établissements d'enseignement supérieur, de subventionner les études de spécialisation (master et doctorat), de reconnaître officiellement la profession en créant un Ordre national des biologistes médicaux, et d’encourager l’organisation de stages pratiques pour faciliter l’intégration des étudiants. « Il est temps que l’État guinéen nous reconnaisse véritablement et nous accompagne dans notre formation afin que nous puissions nous spécialiser et servir notre pays dans le respect des normes et principes requis », lance-t-il en guise de conclusion.
Morlaye Keïta