En Guinée, de nombreuses femmes souffrent en silence de l’endométriose et du SOPK, deux maladies gynécologiques méconnues et mal diagnostiquées. Témoignages et appel à briser les tabous pour une meilleure prise en charge.
Fatoumata, 29 ans, vit depuis l’adolescence avec des douleurs menstruelles si intenses qu’elles la clouent au lit plusieurs jours chaque mois. Longtemps, on lui a répété que « c’était normal », que « toutes les femmes passent par là ». Ce n’est qu’après des années d’errance médicale qu’un médecin a enfin prononcé le mot : endométriose.
Encore largement méconnue en Guinée, cette maladie gynécologique touche pourtant des milliers de femmes. Elle se caractérise par la présence de tissu semblable à celui de la muqueuse utérine en dehors de l’utérus, provoquant des douleurs chroniques, des saignements abondants, voire l’infertilité. Mais dans le pays, le diagnostic est souvent posé tardivement, faute de spécialistes, d’équipements adéquats et surtout d’information.
Mariama, 26 ans, fait partie de ces jeunes femmes qui découvrent tard leur maladie. « J’avais des règles très irrégulières, de fortes douleurs aux ovaires, de l’acné et une fatigue constante. On me disait que c’était hormonal, mais personne ne m’expliquait rien. C’est un gynécologue qui m’a parlé du SOPK, et une échographie pelvienne l’a confirmé », raconte-t-elle.
Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) est un dérèglement hormonal qui affecte le fonctionnement des ovaires. Il provoque des troubles du cycle menstruel, de l’ovulation et peut entraîner des complications métaboliques. Comme l’endométriose, il reste très peu connu du grand public. Les symptômes sont souvent banalisés ou attribués à d’autres causes, retardant ainsi la prise en charge.
Le docteur Ibrahima Sylla est gynécologue à Conakry. Il tire la sonnette d’alarme : « Ces deux maladies sont fréquentes, mais leur prise en charge reste très limitée. Beaucoup de femmes vivent avec des douleurs intenses, des cycles irréguliers, de la fatigue, sans jamais savoir qu’elles sont malades. Le tabou autour des règles et de la fertilité joue un rôle énorme dans le retard du diagnostic ».
Selon lui, certains signes doivent alerter : règles très douloureuses, absentes ou irrégulières, douleurs pelviennes chroniques, difficulté à concevoir, prise de poids inexpliquée… « Un simple examen clinique, une échographie pelvienne et des analyses hormonales peuvent orienter le diagnostic. Mais les coûts, le manque de formation et les croyances freinent le traitement », déplore-t-il.
Les traitements existants ne guérissent pas toujours ces maladies, mais permettent de soulager les patientes : pilules hormonales, antidouleurs, chirurgie dans certains cas, accompagnement psychologique ou rééquilibrage alimentaire. Pour cela, il faut d’abord oser en parler, s’informer et consulter.
Fatoumata et Mariama ont choisi de témoigner pour briser le silence. « On ne devrait pas souffrir en silence. Ce n’est pas normal d’avoir mal à ce point chaque mois. Il faut en parler autour de nous, entre femmes, avec nos médecins, nos familles et dans les médias », insiste Fatoumata.
Alors que les maladies féminines restent encore entourées de tabous en Guinée, une prise de conscience s’impose. Médecins, médias et familles ont tous un rôle à jouer pour libérer la parole, améliorer la prise en charge et mettre fin à la souffrance silencieuse de tant de femmes.
Mayamba Traoré