À Sabadou-Baranama, à 75 km de Kankan, les inondations récurrentes détruisent les récoltes, isolent des villages et paralysent la route Kankan-Abidjan. Habitants, agriculteurs et transporteurs appellent les autorités à accélérer les travaux routiers pour mettre fin à ce calvaire.
À environ 75 kilomètres du centre-ville de Kankan, la commune rurale de Sabadou-Baranama vit des jours difficiles. En cause, dans cette zone agricole par excellence, les inondations récurrentes plongent chaque année les habitants dans la détresse. Cette saison encore, le marigot de Baranama est sorti de son lit, engloutissant des dizaines d’hectares de cultures, isolant des villages entiers et paralysant la circulation sur l’axe Kankan-Abidjan, pourtant vital pour l’économie locale.
Les plaines rizicoles de Sabadou-Baranama, connues pour leur fertilité, sont aujourd’hui méconnaissables. Des étendues d’eau à perte de vue remplacent les parcelles soigneusement entretenues par les cultivateurs.
Kalou Traoré, agriculteur, regarde impuissant le fruit de plusieurs mois de dur labeur disparaître sous les eaux. « Beaucoup de nos productions se trouvent sous ces eaux et derrière le marigot. Certains ont mis en valeur près de 70 hectares et ce sont toutes ces cultures qui sont submergées. Il y a longtemps qu’on n’avait pas vu l’eau atteindre ce niveau et surtout rester statique pendant plus de vingt jours », a-t-il expliqué, le regard perdu vers les rizières englouties.
Pour ces agriculteurs dont la survie dépend de la récolte, chaque saison pluvieuse devient une épreuve. Les pertes sont immenses et la colère grandit face à l’absence de solutions durables.
Une route stratégique coupée et des commerçants bloqués

Sur la route reliant Kankan à la Côte d'Ivoire, la situation n’est guère meilleure. Des centaines de véhicules sont immobilisés depuis plusieurs semaines, piégés par la montée des eaux et les travaux inachevés.
Le corridor, essentiel pour les échanges entre la Guinée et la Côte d’Ivoire, tourne au cauchemar pour les transporteurs et les commerçants. Amara Sangaré, transporteur, raconte son calvaire . « Chaque saison hivernale est synonyme de difficultés pour nos activités. Nous appelons les autorités à intervenir pour nous sortir de ce bourbier. La construction de cette route est la seule solution pour mettre un terme à ces inondations interminables », assure-t-il.
Les dépenses imprévues pour la nourriture et les autres frais liés à ce blocage sur place réduisent les bénéfices des transports et des commerçants. Beaucoup d'usagers redoutent désormais de reprendre cette route, malgré son importance économique.
Quand la pêche devient moyen de transport

Autrefois activité nourricière, la pêche ne rapporte plus grand-chose à Sabadou-Baranama. Les poissons se font rares et les pirogues servent désormais de navettes pour traverser le marigot. Les pêcheurs, devenus guides improvisés, assurent la traversée des passagers au péril de leur sécurité.
Issa Kanté, jeune pêcheur, décrit son quotidien. « Notre seul travail pendant cette période reste la traversée des usagers. Ce que nous gagnons est insignifiant, car beaucoup de ceux qui traversent sont nos parents, confie-t-il. La seule solution reste la poursuite des travaux de construction de cette route ».
Selon nos informations, il y a parfois des accidents pendant les traversées. L’année dernière, un ressortissant malien a perdu la vie dans ces eaux. Plus récemment, un habitant de Boula venu assister à une cérémonie a été emporté par le courant.
Les autorités locales lancent un cri d’alarme

Face à l’ampleur de la situation, les autorités locales ne cachent plus leur inquiétude. Le chantier du tronçon Tinti-Oulén – frontière guinéo-ivoirienne, entamé en 2021 par une entreprise sud-africaine avant d’être confié à une autre société, connaît un énorme retard. Une lenteur qui suscite frustration et désespoir.
Sory Condé, président du district de Baranama, déplore cette situation. « Le poumon de nos vies se trouve sur cette route aujourd’hui inondée. Depuis le début des travaux en 2021, tout roule au ralenti. Nous invitons les autorités à jeter un regard sur ce chantier », a-t-il insisté.
En attendant, Sabadou-Baranama continue de subir les caprices du marigot et l’indifférence des décideurs. Entre champs noyés, commerces paralysés et routes impraticables, les habitants n’ont plus qu’un espoir : que la promesse d’un développement rural cesse, enfin, de se dissoudre dans les eaux des inondations.
Michel Yaradouno