Drépanocytose en Guinée : une urgence de santé publique encore sous-estimée…
Drépanocytose en Guinée : une maladie héréditaire grave, encore mal prise en charge. Découvrez enjeux, prévention, dépistage et accès aux soins.
En milieu rural guinéen, la médecine traditionnelle reste vitale : à Kérouané, plantes et savoirs ancestraux pallient le manque d’infrastructures modernes.
Dans les zones rurales de la Guinée, la médecine traditionnelle reste un pilier de la santé communautaire. Transmise de génération en génération, elle séduit encore de nombreux patients, notamment dans la région de Kankan, où l'accès aux soins modernes demeure difficile à certains endroits. Un contributeur d’IdimiJam.com s’est rendu à Kérouané pour le constater.
Fondée sur l’usage de plantes, d’écorces et de savoirs parfois mystiques, la médecine traditionnelle, une pratique ancestrale, continue de séduire malgré les avancées de la médecine moderne.
Dans la région de Kankan, et plus précisément dans la préfecture Kérouané, elle constitue bien souvent le premier recours des habitants. Selon les tradipraticiens et leurs patients, cette préférence s'explique par plusieurs raisons : un coût plus abordable, la valorisation des savoirs culturels locaux et une complémentarité perçue avec la médecine conventionnelle.
Située à plus de 700 kilomètres de Conakry, la ville de Kérouané ne dispose que d’un hôpital préfectoral et d’un centre de santé urbain. Dans ce contexte de rareté des infrastructures et de moyens financiers limités, de nombreux citoyens se tournent vers les guérisseurs traditionnels. Ces derniers proposent des traitements sans ordonnance contre diverses pathologies, de l’hypertension à la fièvre typhoïde, en passant par les infections, les maux de tête ou encore les insuffisances rénales, le tout à base de décoctions, poudres et rituels souvent incompréhensibles pour les non-initiés.
Parmi les figures connues à Kérouané, figure Mafata Camara, une sexagénaire qui n’a jamais fréquenté l’école, mais respectée pour son savoir ancestral. Issue d’une lignée de guérisseurs, elle exerce son activité sans formation académique mais avec une connaissance transmise par ses aînés. « Je traite plusieurs maladies. La médecine traditionnelle est un héritage dans ma famille. Mon grand-père, mon père, puis mon mari ont tous pratiqué. Je ne sais ni lire ni écrire, mais lorsque quelqu’un vient me voir, nous discutons pour comprendre son mal, puis je lui donne des écorces ou de la poudre », explique-t-elle, sereinement installée dans sa cour.
Makoura Condé, une patiente, n’était pas présente lors de notre entretien avec Mafata Camara. Mais à peine informée de notre présence, elle s’est rendue sur les lieux pour témoigner des bienfaits qu’elle attribue à la médecine traditionnelle. « Je me suis mariée très jeune, mais j’ai mis beaucoup de temps avant de tomber enceinte. Mon mari et moi avons consulté plusieurs centres de santé modernes, sans succès. C’est ici que tout a changé. Je ne nie pas l’efficacité de la médecine moderne, mais je pense que les deux sont complémentaires », affirme-t-elle.
Les tradipraticiens ne se considèrent pas comme des concurrents de la médecine moderne. Au contraire, beaucoup d’entre eux revendiquent un rôle complémentaire. C’est le cas de Mandjou Djamanaty Condé, guérisseur itinérant en Haute-Guinée. Rencontré à Kérouané, il exprime sa volonté de collaboration avec les personnels de santé moderne. « La médecine occidentale a, elle aussi, commencé avec les plantes, les peaux d’animaux et même la boue, avant de se moderniser. Ici, nous manquons de produits locaux labellisés. Les gens se contentent de vendre des produits importés. Pourtant, notre savoir existe depuis des décennies. Nous participons à des rencontres avec les autorités, mais il faut maintenant aller vers l’innovation. Nous voulons vraiment travailler avec les médecins modernes pour créer un ensemble », plaide-t-il.
À la direction préfectorale de la Santé de Kankan, le docteur René Millimouno, en charge des services à base communautaire, a été mandaté pour structurer ce secteur. « Nous avons récemment organisé une formation avec les tradipraticiens. Quatre grandes recommandations en sont ressorties : leur intégration dans le système sanitaire, leur doter d’équipements adéquats, favoriser la spécialisation des praticiens et définir un véritable plan de carrière. À ce jour, nous avons mis en place des cartes professionnelles pour leur identification et instauré l’obligation d’un agrément pour exercer. Une mission de terrain est prévue dans les jours à venir pour recenser et visiter les lieux de pratique. L’objectif est de soutenir cette médecine, qui représente un réel appui à la médecine moderne », explique-t-il.
Face à la précarité des services de santé dans de nombreuses localités rurales, la médecine traditionnelle demeure un recours incontournable pour des milliers de Guinéens. Portée par des savoirs ancestraux et une relation de confiance avec les communautés, elle continue de jouer un rôle clé dans le système de santé informel. Si son efficacité reste encore peu documentée scientifiquement, sa reconnaissance croissante par les autorités sanitaires ouvre la voie à une meilleure structuration. Entre héritage culturel, accessibilité et quête de reconnaissance, la médecine traditionnelle guinéenne pourrait bien devenir un allié stratégique de la médecine moderne dans l’amélioration de la santé communautaire.
Michel Yaradouno