Hémorroïdes en Guinée : pourquoi il faut lever le tabou pour une meilleure prise en charge

Hémorroïdes en Guinée : pourquoi il faut lever le tabou pour une meilleure prise en charge

En Guinée, les hémorroïdes restent un sujet tabou, souvent entouré de gêne et de honte. Cette maladie, pourtant courante, est rarement évoquée en public ou même dans les cercles privés. La réticence à en parler pousse de nombreux patients à souffrir en silence, aggravant parfois leur condition.

En Guinée, les hémorroïdes restent un sujet tabou, souvent entouré de gêne et de honte. Cette maladie, pourtant courante, est rarement évoquée en public ou même dans les cercles privés. La réticence à en parler pousse de nombreux patients à souffrir en silence, aggravant parfois leur condition.

Une maladie fréquente mais stigmatisée

Les hémorroïdes touchent une grande partie de la population, en particulier les adultes. Elles résultent d'une inflammation des veines situées dans la région anale, causant douleurs, saignements et inconfort. Malgré leur prévalence, la maladie est perçue par beaucoup comme honteuse, liée à des tabous culturels ou à des croyances erronées. De plus, certains facteurs spécifiques, notamment un accès limité aux soins médicaux, l'automédication avec des remèdes traditionnels ou la précarité économique, contribuent à l'aggravation des cas non traités.

Pour mieux comprendre cette affection, le Dr Abdoulaye Yattara, chirurgien et généraliste à l'hôpital préfectoral de Dubréka, explique : « Les hémorroïdes sont des formations vasculaires normales présentes chez tout le monde. Dès la période fœtale, l’enfant naît avec ces hémorroïdes, et c’est lorsqu’elles deviennent symptomatiques que l’on parle de maladie hémorroïdaire. Elles se divisent en deux types : internes et externes. Les hémorroïdes internes sont localisées à l'intérieur du canal anal, tandis que les externes se trouvent autour de l'anus. »

Les symptômes sont variés, allant des hémorragies (sang lors des selles) aux démangeaisons, en passant par des douleurs plus ou moins intenses.

Selon le Dr Yattara, les formes les plus graves sont celles qui entraînent des douleurs fortes, souvent liées à des thromboses (caillots dans les vaisseaux), rendant la consultation médicale d'autant plus urgente. « En moyenne, nous recevons environ 10 patients par mois pour ces symptômes, mais il est essentiel de noter qu'il existe de nombreuses autres pathologies, parfois plus graves, qui peuvent se manifester par des symptômes similaires. Les cancers ou les fissures anales, par exemple, peuvent ressembler à des hémorroïdes. D'où l'importance de consulter un médecin pour un diagnostic précis », ajoute-t-il.

Conseils de prévention et de gestion

Prévenir les hémorroïdes passe avant tout par des habitudes de vie saines. Une alimentation riche en fibres, comme les légumes, les fruits et les céréales complètes, ainsi qu’une hydratation adéquate, sont des mesures efficaces pour prévenir la constipation, l’un des principaux facteurs de risque des hémorroïdes.

Le Dr Yattara recommande également de maintenir une activité physique régulière pour améliorer la circulation sanguine et éviter la stagnation du sang dans les veines anales. En outre, il conseille d'éviter les efforts excessifs lors de la défécation et de ne pas négliger les visites médicales régulières.

Témoignages de patients : entre douleur et silence

Mamadou, commerçant à Conakry, témoigne : « J’ai commencé à ressentir des douleurs il y a deux ans. Au début, je pensais que c’était temporaire, mais ça a empiré. J’avais honte d’en parler, même à ma famille. J’ai essayé des remèdes traditionnels en cachette, mais rien n’a marché. Finalement, j’ai consulté un médecin, mais j’aurais dû le faire plus tôt. »

Fatoumata, enseignante à Labé, partage son expérience : « Les hémorroïdes sont considérées comme une maladie honteuse. Quand j’en ai souffert, je n’ai osé en parler à personne. Ce n’est qu’après des douleurs insupportables que j’ai cherché de l’aide. Le médecin m’a dit que mon cas était avancé à cause du retard dans le traitement. »

Ces témoignages illustrent un problème majeur : la peur du jugement social retarde la prise en charge médicale, entraînant des complications évitables. La stigmatisation des hémorroïdes ne se limite pas seulement à la douleur physique ; elle peut aussi avoir un impact psychologique profond. L’anxiété, la gêne, et parfois la dépression, sont des effets secondaires souvent négligés qui affectent la qualité de vie des patients.

Une méconnaissance générale et l'importance du diagnostic précoce

Le silence autour des hémorroïdes en Guinée contribue à une méconnaissance générale de la maladie. Beaucoup ignorent que des solutions médicales existent, allant des traitements médicamenteux aux interventions chirurgicales. Les médecins soulignent l’importance de consulter dès les premiers symptômes. Le Dr Yattara insiste : « À l’hôpital, nous avons des solutions fiables. Bien que certains patients essaient des traitements traditionnels, ce sont souvent les formes graves qui arrivent trop tard. »

Par ailleurs, la prévalence des hémorroïdes semble avoir augmenté ces dernières années dans le pays, même s’il n’y a pas de statistiques disponibles. Cela est dû à des changements dans nos comportements, notamment alimentaires. Le Dr Yattara note que la consommation excessive de pain, de chocolat, ainsi qu’un manque d’activité physique, favorisent l’apparition des symptômes. « Par le passé, ces problèmes étaient moins fréquents », conclut-il.

Sensibilisation : un défi à relever

Pour lutter contre cette stigmatisation, des campagnes de sensibilisation sont nécessaires. Informer la population sur les causes, les symptômes et les traitements des hémorroïdes pourrait encourager les patients à consulter sans honte. Les autorités sanitaires, en partenariat avec les médias, pourraient jouer un rôle clé dans cette démarche. Une meilleure information permettrait non seulement de prévenir la maladie mais aussi de diminuer l’anxiété liée à son diagnostic et à son traitement.

Briser le tabou sur les hémorroïdes est essentiel pour améliorer la santé publique en Guinée. En ouvrant le dialogue, en partageant des informations et en soutenant les patients, il est possible de transformer les perceptions et d’encourager une prise en charge précoce. La honte ne doit plus être un obstacle à la santé. La sensibilisation à la prévention et au traitement de la maladie hémorroïdaire est un pas crucial vers une population en meilleure santé.

Adama Hawa Bah