La consommation de drogues est désormais un problème majeur de santé publique en Guinée. Parmi les substances les plus préoccupantes, figure le « kush », une variété de cannabis particulièrement puissante, dont l’usage se répand de plus en plus, notamment chez les jeunes.
La consommation de drogues est désormais un problème majeur de santé publique en Guinée. Parmi les substances les plus préoccupantes, figure le « kush », une variété de cannabis particulièrement puissante, dont l’usage se répand de plus en plus, notamment chez les jeunes. Pour mieux comprendre les effets néfastes de cette drogue sur la santé mentale, un contributeur d’IdimiJam.com a rencontré le professeur Mory Fodé Doukouré, chef du service de psychiatrie de l'hôpital national Donka, à Conakry. Il rappelle que cette substance est hautement concentrée en éléments pouvant provoquer des troubles psychologiques.
Au cours de cet entretien, le spécialiste en pédopsychiatrie a d’abord précisé que, bien que préoccupante, la consommation du « kush » ne constitue qu’une part réduite des motifs de consultation en psychiatrie. « Il existe de nombreuses substances, certaines interdites, d'autres autorisées mais détournées de leur usage initial. Il faut en être conscient. Bon nombre d’entre elles sont aussi utilisées à des fins thérapeutiques. Leurs effets varient selon le type de produit et le mode de consommation. En psychiatrie, la plupart des troubles que nous traitons ne sont pas nécessairement liés à la prise de ces substances chez les jeunes. Une idée reçue veut que tous les patients soient des consommateurs de drogues, mais ce n’est pas le cas. Nos études montrent que sur 100 patients, moins de 20 ont déjà consommé une ou plusieurs substances. C'est un point essentiel à comprendre », a-t-il expliqué.
Le professeur Doukouré a ensuite décrit les mécanismes de dépendance liés à ces substances : « La dépendance psychologique est la première conséquence. C’est une envie irrésistible de consommer, ce qui la rend particulièrement difficile à gérer. Puis, certaines substances provoquent une dépendance physique. Cela signifie que lorsque la substance n’est pas ingérée, le corps manifeste des symptômes de sevrage désagréables. Mais ce n’est pas le cas de toutes les drogues ».
Des troubles psychiatriques induits par la consommation excessive
Le professeur Doukouré a également mis en garde contre les risques psychiatriques liés à une consommation excessive. « En fonction de la substance et de la quantité ingérée, des troubles peuvent survenir. Par exemple, une forte consommation de cannabis et de ses dérivés peut provoquer un état psychotique aigu. Toutefois, cet état n’est pas permanent. S’il cesse de consommer, l’individu retrouve progressivement son état normal, comme une personne en état d’ivresse qui retrouve ses esprits après l’élimination de l’alcool », a-t-il détaillé.
Il a aussi souligné les conséquences sociales et juridiques de la consommation de ces substances. « L’impact ne se limite pas à la santé physique ou mentale. La consommation de drogues entraîne une rupture de confiance avec l’entourage, affectant la qualité des relations sociales. De nombreux consommateurs finissent par se marginaliser et se retrouver en conflit avec la loi, ce qui les expose à des poursuites judiciaires. Cette situation conduit à ce que j’appelle une ‘mort sociale’, car le bien-être ne se résume pas uniquement à la santé physique et mentale, mais inclut aussi l’intégration sociale », a insisté le spécialiste.
La drogue kush : origine et composition
Concernant spécifiquement le « kush », le psychiatre a clarifié certains points sur son origine et sa composition. « Il existe beaucoup d’interprétations autour du kush. Ce n’est pas une nouvelle drogue. Il s’agit d’une variété de cannabis fortement concentrée en tétrahydrocannabinol (THC), la substance responsable des effets psychoactifs. Cette variété pousse principalement dans la chaîne de montagnes entre l’Afghanistan et le Pakistan, dans une région appelée indo-kush, d’où son nom. Il est important de noter que le cannabis contient plus d’une centaine de cannabinoïdes, dont certains possèdent des vertus médicinales », a-t-il expliqué.
Le professeur Mory Fodé Doukouré a néanmoins alerté sur la dangerosité des mélanges auxquels cette drogue est souvent soumise. « Le kush consommé aujourd’hui est rarement pur. Il est fréquemment mélangé avec d’autres substances dangereuses, comme l’acétone, des résidus d’ossements humains ou encore de la poudre de munitions. Ces ajouts amplifient ses effets toxiques et peuvent provoquer des perturbations graves. Certains consommateurs nous expliquent eux-mêmes comment ces mélanges sont réalisés. Par exemple, ils brûlent la poudre de munitions pour en récupérer les cendres, qu’ils ajoutent ensuite aux feuilles avant de les fumer », a-t-il révélé.
Un mythe démonté : la langue ne peut pas être avalée
Enfin, le chef du service de psychiatrie de l'hôpital national Donka a tenu à démentir une croyance répandue selon laquelle les consommateurs de « kush » risqueraient d’« avaler leur langue ». « Anatomiquement, il est impossible d’avaler sa langue. Elle est fixée par des muscles et des nerfs. Certains médecins vont jusqu’à la piquer ou à l’attacher avec une corde, ce qui est absurde. Si vous regardez la langue d’un animal abattu, vous verrez qu’elle est solidement maintenue. Cette idée est donc totalement erronée », a-t-il affirmé.
Des découvertes inquiétantes sur la composition du kush
Selon un rapport récent de l’Initiative Mondiale contre la Criminalité Organisée Transnationale (GI-TOC), l’analyse chimique du « kush » révèle que plus de 50% des échantillons contiennent des nitazènes, un opioïde synthétique extrêmement addictif et mortel, comparable au fentanyl. L’autre moitié est composée de cannabinoïdes synthétiques, renforçant encore les risques liés à sa consommation.
MD