Pandémie mondiale, le diabète touche de plus en plus de personnes dans tous les continents. Enfants, adultes ou personnes âgées, personne n’est épargné par ce problème de santé publique. En Guinée, plus de 20% de la population est concernée par la maladie. Et si le facteur alimentaire est souvent évoqué, il faut également prendre en compte d’autres facteurs.
Le diabète est une maladie chronique qui se déclare lorsque le pancréas ne produit pas suffisamment d’insuline (hormone qui régule la glycémie), ou lorsque l’organisme n’est pas capable d’utiliser efficacement l’insuline produite, selon l’OMS. Plus simplement, le diabète sucré survient lorsque le taux de sucre s’élève au-dessus de la normale de façon permanente, explique le Dr Mamadou Cherif Diallo, médecin endocrinologue, diabétologue et nutritionniste à l’hôpital national de Donka, à Conakry.

Dr Mamadou Cherif Diallo
La maladie peut parfois se manifester à travers plusieurs signes, comme la vision floue et la sensation de fatigue. Mais elle peut aussi être asymptomatique. « Le premier signe du diabète est qu’il n’a pas de signe. Il peut exister sans aucun symptôme. La meilleure façon de savoir si on est diabétique, c’est de faire le dépistage. Si ce n’est pas dépisté à temps, le diabète peut continuer à se développer et créer des complications. Si la glycémie est élevée, on commence à ressentir les symptômes. Si le diabète n’est pas dépisté à temps et que la glycémie continue à monter, on peut avoir une polyurie (émission d’urine de plus de 2,5 litres par jour), on va boire beaucoup d’eau (polydipsie), on va beaucoup manger sans prendre de poids (polyphagie), on va perdre du poids, et on est souvent fatigué... », précise le spécialiste.
Une description que confirme un porteur de la maladie, interrogé par la rédaction d’IDIMIJAM.COM. « J’ai contracté cette maladie sans en connaître les signes. À l'époque, j'étais très gros. En l’espace de quelques jours, j'ai perdu plus de 25 kilos. Je sortais la nuit au moins 5 fois. Je buvais trop d'eau. Mon cou était toujours sec. Quand j’ai accompagné ma défunte mère à l’hôpital, qui était aussi diabétique, on a contrôlé ma glycémie. Mon résultat était de 4g/l. Les médecins m'ont hospitalisé à Donka où j'ai passé 2 semaines. Au début, j'ai versé des larmes, me demandant comment éviter cela alors que j’étais jeune. Mais ils m'ont dit que si la glycémie n’est pas trop élevée, ça peut être contrôlé », témoigne Youssouf Soumah, diabétique de type 2 depuis 2008.
Il existe plusieurs types de diabètes, regroupés en 4 grands groupes, qui touchent tous les âges. Ce sont le diabète de type 1, le diabète de type 2, le diabète gestationnel et l’intolérance au glucose et l’altération de la glycémie à jeun. « Le diabète de type 1 survient généralement chez les enfants, mais il peut aussi survenir chez les adultes. Le diabète de type 2 est majoritaire (à plus de 90%) chez les personnes âgées de 45 ans et plus, mais il peut aussi se retrouver chez les enfants. Le diabète secondaire est dû à une maladie (endocrinienne, du pancréas ou à la corticothérapie…). Le diabète gestationnel qu’on appelle le diabète de la grosses survient pendant la grossesse au 3e trimestre, et disparait après la grossesse », a fait savoir le diabétologue Dr Diallo.
En Guinée, plus de 5,4% d’adultes sont concernés par le diabète
Selon des données de 2022 de l’OMS, la maladie touche plus de 24 millions d’adultes en Afrique. Et le nombre devrait augmenter de 129%, pour passer à 55 millions de personnes d’ici 2045. Une enquête réalisée en 2009 à Conakry et dans la Basse Guinée indique que le diabète connaît une prévalence de 5,4% chez les adultes. L’étude ajoute qu’un adulte de plus de 50 ans sur 10 est diabétique ; 20% des personnes âgées de plus de 60 ans sont concernées par le diabète ; et dans la population générale, trois sujets sur quatre ne savent pas qu’ils sont atteints de diabète.
En Guinée, c’est le diabète de type 2 qui est le plus fréquent. Et cela peut être dû non seulement à l’alimentation, mais aussi à la sédentarisation. « Le diabète est causé par plusieurs facteurs. Il peut y avoir soit un défaut de sécrétion de l’insuline, soit un défaut d’action de l’insuline, ou l’association de ces deux phénomènes. Les facteurs de risque sont : être âgé de plus de 40 ans, être en surpoids ou obèse, être consommateur de tabac, avoir des parents diabétiques au premier degré, être sédentaire, avoir une faible consommation des fruits et légumes et avoir un enfant de plus de 4kg à la naissance. La façon dont nous mangeons, la consommation des fast food, de matières grasses et de plus de protéines font qu’on stocke beaucoup plus d’énergie, conduisant à une prise de poids ou l’obésité, qui avec la sédentarité concoure à la survenue du diabète sucré », ajoute le spécialiste.
Pour limiter les risques de complications, le respect strict des consignes s’impose. C’est ce que fait Youssouf Soumah, le porteur du diabète de type 2. « De 2008 à nos jours, je respecte les consignes données par le médecin en utilisant l’insuline mixtar 30 ou insulatar 30. Je les prends matin et soir depuis que les médecins me les ont prescrits. Ils m’ont conseillé de ne pas avoir de vices, de ne pas manger la sauce d'arachide, de pratiquer le sport, de ne pas stresser, de vivre avec la maladie comme une personne saine, d'éviter les blessures », confie-t-il.
Prise en charge des patients atteints de diabète
Alors que le nombre de diabétiques va de façon croissante chaque année, des projets sont mis en œuvre pour soutenir l’Etat dans la prise en charge et le traitement des patients diabétiques. C’est le cas du projet « Changing Diabetes in Children » qui existe depuis plus de 10 ans en Guinée. En 2023, le projet suivait environ 1 300 enfants diabétiques, leur offrant une prise en charge gratuite.

Bilguissa Baldé, diabétique et mentor au sein de la Fédération internationale de diabète
Également, des associations et ONG apportent leur soutien à l’Etat, afin de faciliter la prise en charge et le traitement des patients. C’est le cas de l'Equipe des jeunes leaders diabétiques de Guinée, dirigé par Bilguissa Baldé, diabétique et mentor au sein de la Fédération internationale de diabète. A travers l'éducation thérapeutique dans la sensibilisation et le sport entre autres, l’association aide les nouveaux diabétiques dans la prise en charge et agit dans la prévention pour ceux qui sont encore sains.
« Nous venons vers le patient qui est déjà en état de tristesse à l’annonce de son état de diabétique, en nous présentant comme un pair comme lui, pour le soutenir moralement et l'aider à comprendre son diabète. Ensuite, nous assistons ces personnes pour beaucoup de choses. Il y a certains qui arrêtent de venir sur la plateforme pendant des mois, des années... Et puisque nous avons les renseignements, nous nous dirigeons avec tout ça pour aller les rechercher dans les différentes familles. Et nous appelons même ceux qui ne sont pas dans le programme. Comme ça, s'ils découvrent qu’ils sont diabétiques, qu’ils viennent à l'hôpital pour demander où est la structure qui fait la prise en charge des enfants diabétique, parce que ça existe. A l’hôpital, chaque mois nous demandons où sont les nouveaux malades. Ils nous fournissent leurs contacts et nous entrons en contact avec eux pour qu’ils adhèrent à l’association. Mais qu’ils adhèrent ou pas, nous, notre rôle, c'est d'aider toute personne qui est dans le besoin côté », explique Bilguissa Baldé.
Difficultés dans la mobilisation de financement
Mais malgré cette bonne volonté, ces activistes font face à des difficultés de financement et d’accès à certaines places publiques. « Que ce soit au ministère du Sport, de l'Enseignement supérieur ou de la Santé, je demande souvent qu'on nous accompagne dans la prise en charge de tous les diabétiques. Parce qu'il y a des pays qui prennent en charge des enfants. Je pense que chaque citoyen ou chaque membre du gouvernement peut acheter de l’insuline pour un enfant diabétique, et ainsi lui sauver la vie », a-t-elle lancé.
En attendant d’avoir les moyens qu’il faut, citoyens et médecins invitent la population à la prudence et à la prévention. Youssouf Soumah invite la population à faire son bilan chaque trois mois pour connaître son statut, mais aussi à faire le sport et diminuer les vices. Des conseils approuvés par le Dr Mamadou Chérif Diallo. « Il faut agir sur les facteurs de risque modifiables. Il faut pratiquer une activité physique en fonction de votre phénotype et de vos antécédents médicaux (course, jogging, marche rapide, vélo, etc.) pendant au moins 30 minutes, et trois fois dans la semaine. Au lieu d’acheter des sodas, payez des fruits et légumes à consommer, c’est beaucoup plus sain. Arrêtez de fumer, contrôlez votre poids et veillez à avoir une alimentation saine et équilibrée. Le diabète n’est pas une fatalité. Il suffit de trouver avec le soignant ce quil faut parce qu’on adapte le traitement du diabète à la vie du patient et non le contraire. Il faut trouver avec le personnel soignant le parfait équilibre. Le soignant n’apporte que 20% dans la prise en charge, les 80% c’est le malade lui-même », conclut-il.
Elisabeth Zézé Guilavogui