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En Guinée, le mariage à distance expose de nombreuses femmes à la solitude, aux sacrifices silencieux et à des souffrances affectives profondes. Entre charge mentale, pression sociale et absence prolongée des maris partis à l’étranger, ce phénomène révèle les réalités invisibles d’un amour à l’épreuve de la distance.
Le mariage à distance est un phénomène qui a pris une ascension fulgurante ces dernières décennies en Guinée. Loin du pays, des maris s'arrangent pour organiser le mariage avec leurs promises. Pour d'autres, ils peuvent venir réaliser le mariage avant de repartir. Partis souvent à la recherche de l'Eldorado et pour subvenir aux besoins de leurs familles restées au pays, ces époux laissent derrière eux des épouses et une surcharge de tâches à assumer seules pendant leur absence.
Face à cet éloignement géographique indéterminé, les responsabilités, la gestion de l'absence, leurs doutes, la solitude affective produisent leurs effets sur le terrain. Seuls liens : le téléphone qui rapproche et quelques billets en euros ou en dollars à la fin de chaque mois pour assurer le quotidien en attendant de meilleurs jours.
Malgré ce bonheur de savoir leurs époux en Angola, au Maroc, en Europe ou encore aux États-Unis, la vie ici est difficile à gérer pour certaines, et les conséquences sont incalculables. Entre infidélité, désespoir et divorce, le mariage avec les "diaspo" n'est pas un long fleuve tranquille.
Dans cet article préparé par un contributeur de la plateforme IdimiJam.com, nous avons exploré des pistes en interrogeant différents acteurs (femmes, proches et religieux).
Elles sont nombreuses, ces femmes mariées qui portent ces fardeaux loin d’un mari absent depuis des semaines, des mois ou des années, sans ce contact direct, ce frottement ou encore ce rapprochement. Ces dernières années, plusieurs couples ont été formés avec des jeunes Guinéens vivant à l’étranger, notamment en Europe ou en Amérique, communément appelés "diaspo". D'autres se sont mariés et ont récemment effectué un voyage périlleux pour rejoindre l'Europe via la Méditerranée, à travers la Libye, la Tunisie, ou les États-Unis via le Nicaragua. Il y en a également qui sont partis pour des études.
Des épouses, en majorité jeunes, laissées derrière avec l’espoir de revenir plus fortes économiquement, ou celui de se faire rejoindre quand tout ira mieux dans les années à venir. Rien qu’à voir les préparatifs de ces époux, tout présage que c’est un périple qui ne va pas prendre un an. Difficultés administratives obligent, la validité de leurs passeports est souvent de dix ans. Une situation qui laisse croire à toutes les femmes se trouvant dans ce lot, qu’elles ont un sacrifice difficile à faire pour le bien-être d’un couple ou d’une famille en construction. Cela est porté par une situation sociopolitique critique, en raison de l’instabilité que traverse la Guinée depuis plusieurs années.
Portant le poids social et physique, chaque femme mariée qui a son mari à l'étranger a son histoire. Mariame, la trentaine, a passé sept ans à attendre un homme qui l'a légalement dotée pendant qu'il était en Angola. « J'avais presque 15 ans quand il m'a épousé. Avec mon jeune âge, je me rappelle que mes seins n'étaient pas encore développés. Pour que la robe de mariage arrive à me prendre le corps, j'étais obligée de mettre des habits au niveau de la poitrine pour tenir. Le mariage s'est passé à l'absence de mon mari. Étant nouvellement mariée, chacun sait quel peut être le besoin pressant dont je voulais. J'ai attendu sept longues années sans affection, sans ce frottement ou autre à part ces rares fois où on échangeait par téléphone et l'argent qu'il envoyait pour ma dépense. Comme je vivais dans ma belle famille, j'en avais marre d'attendre. Un jour j'ai dit à mes parents que je souhaite me retirer de cette union qui, pour moi, était sans effets. Sept ans sans enfants, sans joie conjugale.C'est après plusieurs tentatives que mes parents m'ont appuyé pour officialiser ma réclamation », raconte-t-elle.
Selon la sociologue Fatoumata Bah que nous avons interrogée, le mariage à distance est une problématique d’actualité à laquelle de nombreuses femmes, notamment les jeunes, sont confrontées aujourd’hui. Ce phénomène social engendre plusieurs conséquences, aussi bien sur le plan personnel que collectif. « Sur le plan social, la femme vivant loin de son mari est souvent stigmatisée ou marginalisée. Dans certaines sociétés, son statut est mal perçu, ce qui peut affecter son intégration et sa réputation. Sur le plan familial, elle se retrouve à assumer seule les responsabilités parentales : l’éducation des enfants, les soins, la gestion du foyer, la nourriture… Ce rôle monoparental peut devenir lourd à porter au quotidien. Sur le plan psychologique, l’éloignement du conjoint engendre anxiété, stress et sentiment d’abandon. Il peut également favoriser l’infidélité, avec tous les risques que cela comporte, notamment la transmission des infections sexuellement transmissibles, les grossesses non désirées. Sur le plan économique, cette situation accentue souvent la dépendance financière de la femme, surtout lorsque le mari ne parvient pas à subvenir régulièrement aux besoins du foyer », explique-t-elle.
Lorsqu’un époux vivant à l’étranger parvient à subvenir aux besoins de sa femme et de leurs enfants, sa situation semble souvent minimisée, car son épouse ne manque de rien matériellement. Cela lui procure une certaine fierté, et elle se plaint peu. Il y a de l'argent, elle vit bien. Malgré la distance qui les sépare, le téléphone permet de la réduire en partie, offrant un semblant de présence dans une relation à distance.
Pourtant, derrière ces sourires radieux que beaucoup de femmes affichent, se cache une douleur silencieuse que les mots n'osent souvent pas exprimer. Il s’agit de l’éloignement prolongé de leur époux. Le besoin d’affection et de proximité se fait ressentir avec insistance. Certes, le téléphone joue un rôle essentiel en servant d’intermédiaire, mais ses limites sont vite atteintes. L'absence répétée d’intimité entre époux engendre des conséquences profondes, souvent incalculables. D’autant plus que, sur ce point, la patience de la femme a ses limites. Tout comme l’homme d’ailleurs.
Un prédicateur musulman nous explique combien de temps maximal une femme mariée peut raisonnablement supporter l’absence de son époux, du point de vue islamique, en s’appuyant sur un exemple pour étayer ses propos. « Un des droits de la femme sur son mari est que ce dernier ne s'absente pas plus de six mois sans sa permission. Abdullah ibn Dînâr a rapporté : « 'Umar ibn al-Khattâb sortit une nuit pour faire sa ronde habituelle dans les rues de Médine et entendit une femme chantant la souffrance qu’elle ressentait à cause de sa solitude et de sa privation de son mari. Elle disait dans ses vers : “Si ce n'était pas la crainte d'Allah, j'aurais secoué ou retourné ce lit”. C'est-à-dire je me serais laissé aller, j'aurais suivi mes passions et j'aurais fait entrer un autre homme. Après avoir mené son enquête, `Umar - qu'Allah l’agrée - découvrit que le mari de cette femme était parti en expédition militaire depuis longtemps déjà. Il demanda alors à sa fille Hafsa : - "Combien de temps une femme peut-elle supporter l'absence de son mari ?" - "Six ou quatre mois.", répondit-elle. - "Je n’enverrai plus un homme marié loin de sa femme pour une période excédant cette période."», a expliqué Elhadj Ibrahima Diallo.
Une vieille femme souffre en silence de la situation que traverse sa fille depuis maintenant quatorze ans. Le mari de celle-ci, parti à l’aventure, n’a plus jamais tourné le regard vers sa famille. Il est pourtant bien vivant quelque part dans un pays étranger. « Il est parti alors que sa femme était encore jeune, rayonnante, et enceinte de six mois de leur troisième enfant. Cela fait quatorze longues années, sans le moindre signe de vie. Ma fille est là, seule, à élever leurs trois enfants et à subvenir à tous leurs besoins. Le mal qui la ronge n’est pas physique, mais moral. Pensez-vous qu’une femme peut attendre tout ce temps sans un homme à ses côtés ? Moi, je ne le pense pas. La vérité est parfois difficile à entendre, mais elle doit être dite », confie-t-elle, la voix chargée d’amertume.
En parcourant une enquête du média d’informations Africaguinee.com intitulée : « Dans la peau des victimes de la ruée vers les États-Unis via le Nicaragua », publiée le 18 novembre 2024, un passage du témoignage d'une femme prénommée MD, racontant sa peine de cœur liée à l'absence prolongée et répétée de son mari, a attiré notre attention. « Mon mari est parti aux États-Unis via le Nicaragua laissant deux femmes. Nous traversons une situation assez difficile. Parce qu’une femme mariée, qu’elle vous le dise ou non, ne peut pas supporter l’absence de son mari, surtout que nous ne savons pas quand il va revenir. Franchement, pour dire la vérité, nous souffrons beaucoup », a confié cette femme à nos confrères.
« Vivre un mariage au téléphone, c’est encore une autre forme de souffrance », confie une jeune femme qui a souhaité garder l’anonymat interrogée par IdimiJam.com. Selon elle, le partage d’intimité sur des plateformes mobiles comme WhatsApp ou Messenger ne résout en rien le manque sexuel. « Ce n’est pas réciproque, ce n’est pas réel, c’est du virtuel », souligne-t-elle. Envoyer des photos ou des vidéos intimes, dit-elle, peut même être risqué. Car cela ne fait qu’augmenter le désir et raviver des pulsions charnelles difficiles à contenir. A cette allure, il sera difficile d'éviter de tomber dans l'infidélité, surtout pour une nouvelle mariée qui réclame plus son homme.
Pour éviter d’éventuelles trahisons de la part de leurs épouses, une fois arrivée dans un pays étranger, certains hommes refusent d’envoyer leurs épouses auprès d’eux. Le vécu d’autres hommes, victimes de telles situations, constitue pour eux une raison suffisante de ne jamais faire ce qu’ils considèrent aujourd’hui comme une erreur.
Cette vague de départ vers les États-Unis via le Nicaragua, vers l’Europe ou ailleurs dans d’autres pays, laisse derrière elle à la fois de l’espoir pour les familles et la promesse d’un avenir meilleur. Mais elle entraîne aussi son lot de douleurs, notamment pour ces jeunes femmes mariées, contraintes de vivre une vie conjugale à distance, loin de leurs époux. Une situation qui engendre une forme de mal d’amour, susceptible de laisser des séquelles profondes à celles qui portent ce fardeau au quotidien.
Dans ces sociétés où voyager vers l’Europe ou l’Amérique est perçu comme un passage obligé vers la réussite, partir devient pour beaucoup, la seule issue envisageable. Quitte à tout abandonner, y compris une épouse aimante pour tenter de satisfaire une soif d’eldorado, coûte que coûte.
Mohamed Diawara