Le 15 octobre, la Guinée célèbre la femme rurale. Hassatou Lamarana Bah valorise leur rôle clé dans le développement et l’autonomisation des femmes.
Le 15 octobre de chaque année, le monde célèbre la femme rurale. Cette année, la célébration a été placée sous le thème « L’émancipation des femmes rurales : construire un avenir résilient avec Beijing+30 ». Hassatou Lamarana Bah, journaliste-écrivaine et coordinatrice du Colloque national des femmes entrepreneures en milieu rural, fait partie de ces femmes guinéennes qui, chaque année, font l’honneur de célébrer celles qui contribuent, à leur manière, au développement socio-économique du pays. La rédaction d’IdimiJam.com l’a rencontré pour en parler.
IdimiJam.com : C’est quoi le Colloque national des femmes entrepreneures en milieu rural ?
Hassatou Lamarana Bah : Le Colloque national des femmes entrepreneures en milieu rural est un espace d’échanges qui réunit des femmes issues des huit régions administratives de la Guinée pour discuter d’un thème qui les concerne. C’est un espace de réseautage, de formation et de panels. Nous organisons notamment une formation en transformation des produits locaux à l’intention de jeunes filles victimes de violences. L’objectif est de leur permettre de devenir autonomes financièrement.
À l’issue de cette rencontre, un mémorandum sera élaboré à partir des discussions menées autour du thème. Les participantes y listeront les difficultés qu’elles rencontrent et formuleront des recommandations. Ce document sera ensuite transmis aux différents ministères concernés ainsi qu’aux partenaires ayant accepté d’accompagner l’événement.

En parallèle, une exposition-vente est également organisée. L’idéal est que les femmes rurales de la région hôte envoient leurs produits pour les exposer et les vendre lors du colloque. C’est une manière pour nous de les aider à écouler leurs marchandises. Voilà les principales activités du Colloque national des femmes entrepreneures en milieu rural.
Pourquoi l’édition prévue cette année n’a-t-elle pas eu lieu ?
Cette année devait se tenir la quatrième édition, normalement organisée du 15 au 17 octobre, à l’occasion de la Journée internationale de la femme rurale, autour du thème : « La femme rurale face aux changements climatiques ». L’édition était prévue à Kankan. Malheureusement, nous n’avons pas bénéficié d’accompagnement, contrairement aux années précédentes.
Nous avions pourtant souhaité innover en instituant le Prix régional de la femme rurale dans quatre catégories : l’agriculture, l’élevage, l’agroalimentaire et la poterie. Mais, faute de moyens financiers, cela n’a pas pu se concrétiser. Malgré tout, nous ne désespérons pas : nous restons optimistes, car cet événement est un outil de promotion et d’émancipation pour les femmes rurales. Nous avons donc décidé de le reporter à une date ultérieure.
Nous continuons à solliciter le soutien des ministères, de l’administration publique, des médias, des partenaires techniques et financiers, ainsi que de la population guinéenne pour accompagner ce projet porteur.
En tant que femme journaliste, lorsque vous cherchez à mettre en avant les femmes rurales, quelles sont les difficultés auxquelles vous faites face ?
Il y a d’abord des difficultés de financement, mais aussi d’accessibilité. En effet, la femme rurale vit souvent loin des centres urbains, dans des zones difficilement atteignables. De plus, ces femmes sont parfois réticentes : certaines ont peur de parler, d’autres estiment qu’il leur faut l’autorisation de leur mari ou d’une autre personne avant d’échanger avec un média.
Mais nous ne désespérons pas. Nous essayons d’aller à leur rencontre, de leur expliquer que notre démarche vise à les valoriser, à parler d’elles, à les aider à mieux écouler leurs produits.
En tant que journaliste, comment peut-on contribuer à l’autonomisation de ces femmes rurales ?
En Guinée, on parle généralement des femmes seulement pendant les journées qui leur sont dédiées : le 8 mars, la Journée internationale de la femme rurale, la Journée internationale de la femme africaine, ou encore les 16 jours d’activisme. En dehors de ces moments, on les oublie. Pourtant, la femme mérite d’être célébrée tout au long de l’année.
Lors de mes déplacements à l’intérieur du pays, j’ai constaté qu’il existe un réel manque de communication autour d’elles. Ce que nous, journalistes, pouvons faire, c’est réserver au moins une rubrique hebdomadaire aux femmes, et plus particulièrement aux femmes rurales. Presque tous les médias disposent de correspondants à l’intérieur du pays ; il suffirait de leur confier cette mission : réaliser des reportages et des articles pour mettre ces femmes en lumière.
Votre mot de fin ?
J’invite les ministères — celui de la Promotion féminine, de l’Enfance et des Personnes vulnérables, celui de l’Agriculture et de l’Élevage, ainsi que celui de l’Industrie et du Commerce — à s’impliquer davantage, de même que les partenaires techniques et financiers. Ce projet nous tient à cœur, car il valorise les femmes et les aide à progresser dans leur épanouissement.
Ce n’est pas qu’une rencontre à huis clos : il s’agit d’activités concrètes telles que des espaces d’échanges, des formations, des panels et, pour la première fois, un concours avec le Prix régional de la femme rurale. Toutes ces initiatives visent à magnifier la femme rurale, car ce sont elles qui portent véritablement l’économie de la Guinée.
Propos recueillis par Élisabeth Zézé Guilavogui