À Kouroussa, l’orpaillage artisanal fait vivre des milliers de familles et dynamise l’économie locale, malgré ses impacts environnementaux et sociaux. Entre espoir, survie et incertitude, le Hamana cherche un équilibre entre richesse aurifère et développement durable.
Dans la préfecture de Kouroussa, l’orpaillage artisanal, souvent pointé du doigt pour ses conséquences environnementales et sociales, reste pourtant le moteur économique de milliers de familles. Entre survie quotidienne, espoir d’une vie meilleure et fragilité du modèle, ce secteur fait battre le cœur du Hamana.
Située à plus de 80 kilomètres de Kankan, chef-lieu de la région, la préfecture de Kouroussa vit au rythme des mines artisanales. Ici, l’or brille autant par sa valeur que par l’espoir qu’il suscite. À la rentrée de la ville, sur la nationale de Kankan, nous rencontrons Moussa Kanté, un jeune homme qui pratique l’orpaillage depuis plusieurs années. « Les pluies sont devenues trop imprévisibles. Même si c’est dur et que nous ne gagnons pas grand-chose, c’est grâce à l’orpaillage que nous pouvons couvrir les dépenses familiales. Pour nous, c’est un emploi à part entière qui améliore nos conditions de vie », explique-t-il.

Avec fierté, il ajoute : « Avant, scolariser tous mes enfants était un rêve. Aujourd’hui, c’est une réalité ». Comme lui, de nombreux jeunes trouvent dans l’or artisanal une alternative à l’exode rural et à la précarité agricole.
Autour des sites aurifères, une véritable économie parallèle s’organise. Des villages éphémères surgissent, bruyants et animés. Les femmes y tiennent des cantines improvisées, proposant du riz et du thé. Les motos-taxis circulent sans relâche, transportant hommes, outils et marchandises.
Mamadou Barry est conducteur de taxi-moto à Kouroussa. « Les mines ont besoin de tout : carburant, outils, nourriture, téléphones. Nous, les taxis-motos, nous gagnons bien notre vie grâce au transport des orpailleurs, que ce soit pour les amener sur les sites, rentrer chez eux ou effectuer d’autres courses. Aujourd’hui, la mine fait tourner l’économie locale, pas seulement pour ceux qui creusent », explique le transporteur.
Les femmes ne sont pas en reste non plus. Aïcha Condé, quadragénaire énergique, a trouvé dans ce secteur une voie d’émancipation. « J’ai commencé avec un petit feu pour griller des patates. Aujourd’hui, j’ai un vrai restaurant et j’emploie deux filles. L’argent que je gagne me permet de subvenir aux besoins de ma famille sans dépendre de personne », confie-t-elle, le sourire fier.
Pour beaucoup de femmes, l’exploitation aurifère représente une source d’autonomie financière inédite, leur permettant de soutenir leurs proches et de réaliser des projets personnels.
Mais derrière ces réussites individuelles, des inquiétudes persistent. Un responsable local, sous couvert d’anonymat, nuance : « Ces rentrées d’argent améliorent le quotidien, c’est indéniable. Mais il s’agit d’une économie de survie, très instable. Le jour où l’or s’épuisera, que restera-t-il ? Des trous béants et une population sans alternative ».
Mamadi Kaba est activiste dans la région. Il plaide pour une autre approche. « Il ne s’agit pas de diaboliser l’orpaillage mais de le réguler. Il faut formaliser les coopératives, améliorer la sécurité, diversifier les activités. Cette manne doit devenir un levier pour un développement durable, et non un simple pansement sur la pauvreté. Peut-être que cette méthode pourrait aussi redonner une place centrale à l’agriculture locale », estime-t-il.
À Kouroussa, donc, l’or artisanal incarne à la fois une chance et une menace : il fait vivre de nombreuses familles mais pose, tout de même, de sérieuses questions pour l’avenir. Entre survie économique et quête de durabilité, le Hamana continue de briller sous l’éclat fragile du métal précieux.
Facély Sanoh