Hausse des loyers à Conakry : le prix du ciment, un prétexte devenu argument de choc

Hausse des loyers à Conakry : le prix du ciment, un prétexte devenu argument de choc

À Conakry, les loyers s’envolent. Entre prix du ciment, spéculations et absence de régulation, se loger devient un luxe pour de nombreux ménages.

À Conakry, trouver un logement abordable relève de plus en plus du parcours du combattant. Les loyers grimpent à un rythme inquiétant, poussant de nombreux ménages à déménager fréquemment à la recherche d’un toit à portée de bourse. En cause, selon les propriétaires : la hausse du prix du ciment, devenue l’argument privilégié pour justifier des augmentations parfois jugées abusives.

Depuis le lancement du projet Simandou et la multiplication des chantiers d’infrastructures, le prix du ciment s’est envolé sur le marché guinéen. Longtemps vendu entre 60 000 et 65 000 francs guinéens, le sac coûte aujourd’hui entre 85 000 et 95 000 GNF, selon les zones. Une flambée qui, selon les bailleurs, alourdit les coûts d’entretien et de rénovation des logements, d’où la révision des loyers à la hausse.

Mais pour les locataires, cet argument ne tient pas toujours. « J’étais logé dans un appartement de deux pièces avec salon et douche. Je payais 1 600 000 GNF. Le mois passé, le propriétaire m’a informé qu’à partir de novembre, je devrais payer 1 750 000 GNF. Je n’ai pas pu suivre avec mes autres charges, alors j’ai préféré déménager. Il m’a parlé de l’augmentation du ciment, mais la maison date de plusieurs années. Franchement, c’est un prétexte », estime Gilbert, gérant d’un bar à Kipé.

Des propriétaires qui se défendent

Certains propriétaires, eux, affirment qu’ils ne font qu’adapter leurs prix à la réalité du marché. « Les choses ne sont pas faciles. Nous achetions le ciment à 60 000 GNF, aujourd’hui, ça dépasse 90 000. Chaque fois qu’un locataire quitte, il faut réparer : peinture, sanitaires, portes… Tout coûte cher. Dire que nous exagérons, c’est trop dire », se défend Ibrahim Bah, propriétaire d’une maison à Sonfonia, dans la banlieue de Conakry.

Cependant, au-delà de la question du ciment, d’autres facteurs alimentent cette inflation locative. Les démarcheurs, intermédiaires entre propriétaires et locataires, sont souvent pointés du doigt pour leurs marges excessives et leurs interventions répétées dans la fixation des loyers. Motivés par l’appât du gain, certains n’hésitent pas à revoir les tarifs tous les six mois ou à chaque changement de locataire.

Une absence criante de régulation

Pour plusieurs observateurs, cette situation découle surtout d’un vide juridique. Aucun mécanisme de régulation ne fixe un plafond de loyer à Conakry. « La location est devenue un véritable casse-tête pour les ménages. Il n’y a pas de barème officiel, pas de plafond fixé par l’État. Dans un passé récent, un collectif contre le loyer cher avait déposé une proposition de loi pour encadrer le secteur, mais elle est restée sans suite. Sans cadre légal, les abus continueront », alerte Yarie Soumah, comptable.

Même son de cloche du côté de la société civile. Pour Mamadouba Soumah, membre d’une ONG locale, « le problème ne réside pas seulement dans le prix du ciment. C’est aussi une question de spéculation. Les démarcheurs profitent de la détresse des gens pour gonfler les loyers. L’État doit agir pour protéger les citoyens ».

En attendant une éventuelle régulation du secteur, locataires et propriétaires continuent de s’opposer dans une équation sans issue. Entre flambée du ciment, absence de contrôle étatique et spéculations des intermédiaires, se loger dignement à Conakry devient un luxe que beaucoup de familles ne peuvent plus s’offrir.

Mohamed Diawara