Banankoro : l’ancien eldorado du diamant en Guinée devenu village fantôme

Banankoro : l’ancien eldorado du diamant en Guinée devenu village fantôme

À Banankoro, les diamants ont disparu… et avec eux, les rêves d’un avenir prospère. L’eldorado guinéen s’est transformé en village fantôme. Reportage.

Autrefois centre névralgique de l’exploitation diamantifère en Guinée, la sous-préfecture de Banankoro, située à cheval entre Kérouané, Kissidougou et Macenta, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Le diamant s’y fait rare, les activités économiques sont en berne et les infrastructures tombent en ruine. Un contributeur d’IdimiJam.com est allé sur place. Reportage.

À une quarantaine de kilomètres du centre-ville de Kérouané, le chef-lieu de la préfecture, la commune rurale de Banankoro ne respire plus l’effervescence d’antan. Composée de 22 districts, cette grande localité jadis réputée pour ses ressources diamantifères suscite aujourd’hui plus la nostalgie que l’attirance des investisseurs. Pourtant, dans les années 1990 jusqu’au milieu des années 2010, des sociétés nationales et étrangères, dont Aredor, s’y disputaient les permis d’exploitation de ce précieux minéral. Mais aujourd’hui, seuls les souvenirs des habitants témoignent encore de cette époque glorieuse.

Bâtiments laissés à l’abandon, stations-services désertées, centres commerciaux fermés… Banankoro donne désormais à voir le tableau d’une ville en déclin. « Le diamant ne sort plus comme avant. Depuis plus de deux ans, je n’ai pas vu la moindre trace de diamant », confie Fako Kaba, chercheur de pierres précieuses.

L’économie locale en chute libre

La raréfaction du diamant a entraîné une véritable saignée économique. Des familles entières ont quitté la localité, et ceux qui restent peinent à joindre les deux bouts. « À l’époque, on pouvait réaliser jusqu’à 13 millions de francs guinéens par mois dans les centres de santé grâce aux recettes des activités minières. Aujourd’hui, ce chiffre ne dépasse pas les 4 millions », en dépit de l’inflation, explique Kaba Condé, membre du comité local de santé.

Les répercussions se font sentir sur tous les plans : les femmes enceintes désertent les centres de santé faute de moyens, la jeunesse est désœuvrée et l’émigration clandestine gagne du terrain, selon les témoignages que nous avons recueillis sur place.

Pourquoi le diamant a-t-il disparu ?

Le mystère plane encore sur les raisons de cette disparition soudaine du diamant. Aucune explication scientifique n’a été avancée avec certitude. Mohamed Benoît Guilavogui, secrétaire général de la commune, rapporte les hypothèses entendues auprès des habitants. « Certains accusent l’abandon des rites traditionnels, d'autres évoquent les tensions entre autochtones et étrangers, ou encore la surexploitation des ressources », dit-il.

Malgré la situation précaire, certains habitants gardent espoir. Des jeunes continuent à se rendre chaque matin sur les anciens sites d’extraction, avec l’espoir de tomber sur un éclat de diamant, aussi rare soit-il.

Un accès difficile et un isolement croissant

Se rendre à Banankoro relève désormais du parcours du combattant. Depuis Kérouané, la route est semée d’embûches, notamment la redoutable montagne de Lamgbalima qui oblige souvent les chauffeurs à faire descendre les passagers pour l’escalader à pied. Mariam Keita, 18 ans, en visite chez sa grand-mère à Gbenko, un district voisin de la commune rurale, en a fait l’expérience. « La première fois, c’était dur. Mais, maintenant, je m’y suis habituée », glisse-t-elle avec un sourire résigné.

Hôtellerie et commerce en ruine

Les hôtels et commerces, autrefois florissants, tournent aujourd’hui au ralenti. Dans un motel de la localité, Siba Alexis Bilivogui, le gérant, se dit désabusé. « En 2017 encore, des étrangers venaient ici pour acheter du diamant. Nous les hôteliers du coin, nous faisions de bonnes affaires, surtout à l’approche des fêtes. Aujourd’hui, j’accepte n’importe quel tarif, tant la situation est difficile », confie-t-il.

Avec huit chambres vides la plupart du temps, il confie passer plus de temps à dormir qu’à accueillir des clients. « Avant, une nuitée coûtait jusqu’à 150 000 francs. Aujourd’hui, je n’ose plus fixer de prix », détaille le gérant d’hôtel.

Banankoro vit une crise silencieuse, conséquence directe de l’épuisement de sa principale richesse : le diamant. Mais derrière la poussière et la désolation, une poignée d’habitants garde encore l’espoir de jours meilleurs. Jusqu’à quand ?

Michel Yaradouno