Découvrez comment la décharge de Dar-es-Salam à Conakry est devenue une bombe sanitaire, causant maladies, accidents et drames humains. Une montagne d'ordures qui asphyxie un quartier entier, sans solution en vue.
Située au cœur de la capitale guinéenne, la décharge de Dar-es-Salam est la plus grande du pays. Entre fumées suffocantes, eaux boueuses et risques sanitaires, cette montagne d’ordures est devenue un véritable enfer pour les riverains. Un cimetière d’ordures à ciel ouvert qui continue de briser des vies.
Un quotidien asphyxiant
En ce matin ensoleillé de juin, malgré la saison des pluies débutante, l’air est irrespirable à Dar-es-Salam, quartier de la banlieue de Conakry. Des tas d’immondices jonchent les artères, une scène devenue banale pour les habitants, impuissants.
Mouctar Bah y est né et y a grandi. Il raconte avec tristesse l’expansion incontrôlée de la décharge. « Avant, la décharge n’était pas aussi imposante. Mais avec le temps, les ordures ont formé une montagne. La fosse initiale s’est remplie, la clôture a cédé », explique-t-il.
Et le fléau ne connaît pas de saison. « En saison sèche, c’est la fumée qui nous étouffe. Parfois, les conducteurs de taxi-moto sont obligés d’allumer leurs phares en plein jour pour y voir clair. Pendant la saison des pluies, ce sont les eaux sales et nauséabondes qui envahissent les rues », regrette le jeune trentenaire.
Une montagne d’ordures, un danger permanent

Morlaye Sylla
S'étendant sur près de 30 hectares, la décharge est aujourd’hui saturée. Elle génère une pollution constante et représente une menace pour la sécurité des habitants.
Morlaye Sylla, la vingtaine, y a vu son destin brisé à l’âge de huit ans. « J’étais parti chercher des objets à revendre. Je suis tombé sur une grenade. Ne sachant pas ce que c’était, j’ai tenté de l’ouvrir. Elle a explosé dans mes mains. J’y ai perdu ma jambe droite », raconte-t-il avec tristesse.
Les années passent et de telles explosions se répètent. Moustapha Sylla, président de la jeunesse du secteur Radar, témoigne : « Pratiquement, tous les jours, on entend de fortes détonations à la décharge. Il y a quelques mois, un obus a explosé près de l’arrêt des moto-taxis. Mais par chance, les jeunes conducteurs de taxi-moto n’étaient pas sur place ».
Un foyer de maladies et de drames humains
Choléra, fièvre typhoïde, affections respiratoires : les pathologies se multiplient. Le 22 août 2017, un éboulement de la décharge causé par des fortes pluies a provoqué la mort de neuf personnes, ensevelies sous les ordures dans leurs habitations.
Moustapha Sylla a dû subir une intervention chirurgicale et se voit désormais interdit de séjour sur place pour raisons médicales. « On m’a opéré et conseillé de ne plus vivre ici. Mais je n’ai pas les moyens de partir », confie-t-il. Son père, imam du quartier, est mort d’une maladie respiratoire. « Les médecins lui ont demandé d’arrêter de fumer. Or, il n’a jamais fumé de sa vie. C’était l’imam du quartier », fait remarquer notre interlocuteur.
Des histoires similaires sont nombreuses. Aissata Conté, veuve, a vu son mari mourir après de longues souffrances. « On l’a emmené à Ignace Deen puis à Donka. Dans les deux hôpitaux, les médecins ont dit qu’il fallait qu’il arrête de fumer. Pourtant, il n’a jamais touché à la cigarette », confirme-t-elle.

Aissata Conté
Une situation sans issue ?
La pollution impacte même l’éducation des enfants. En saison sèche, la fumée est telle que les parents préfèrent les garder à la maison jusqu’à 10h, alors que les cours commencent à 8h dans les écoles, pour diminuer les risques liés à la présence de cette décharge dans le quartier.
Malgré l’éboulement meurtrier de 2017, les pathologies récurrentes et les alertes des habitants, aucune mesure concrète n’a été prise à ce jour pour la délocalisation de cette décharge géante hors de Conakry.
Mamadou Gongorè Diallo