Siguiri : les eaux du fleuve Niger gravement polluées par l’orpaillage, la population inquiète
Pollution alarmante du fleuve Niger à Siguiri : l’orpaillage artisanal dégrade l’eau, menaçant la santé des riverains et l’environnement local.
Pollution alarmante du fleuve Niger à Siguiri : l’orpaillage artisanal dégrade l’eau, menaçant la santé des riverains et l’environnement local.
Situé à l’entrée du centre-ville, le fleuve Niger traverse Siguiri avant de poursuivre son cours vers le Mali et d'autres pays d'Afrique de l’Ouest. Depuis plusieurs années, ses rives subissent les conséquences de l’exploitation artisanale de l’or. Les multiples alertes lancées par les activistes et les riverains n’ont pas permis d’éviter la catastrophe environnementale. Ces derniers jours, l’eau de ce fleuve - autrefois prisée pour sa qualité - a changé de couleur et est devenue boueuse, suscitant l’inquiétude de la population locale.
Autrefois, l’eau du fleuve Niger était d’une grande utilité pour les habitants de Siguiri, en particulier les riverains du secteur Bafidala. Elle servait à la boisson, à la cuisson, à la lessive et à d’autres besoins domestiques. Aujourd’hui, les activités humaines menées autour du fleuve, notamment l’orpaillage artisanal, ont profondément altéré la qualité de cette eau autrefois limpide et bleue. Les populations oscillent désormais entre désolation et inquiétude.
C’est le cas de Mariame Keita, croisée sur place en train de faire la lessive. « Nous venons laver nos habits ici parce que nous n’avons pas le choix. On a vu l’eau changer subitement de couleur et on ne sait pas pourquoi. Actuellement, après avoir lavé les habits, il faut les rincer à la maison, sinon on risque de les perdre. Nous demandons aux autorités d’intervenir. Car c’est avec cette eau que nous faisons tout », témoigne-t-elle.
Moussa Konaté, la quarantaine, se remémore quant à lui la période où le fleuve, surnommé « Bafing » à l’époque, était un lieu de détente. Aujourd’hui, face à cette eau troublée, il interpelle l’État. « Quand nous étions jeunes, c’est ici que nous passions nos journées. L’eau du Bafing était d’une couleur bleue tellement belle qu’elle était convoitée par tous. Maintenant, même un animal ne pourrait la boire, encore moins un être humain. Boire cette eau, c’est risquer d’attraper des maladies. Je me demande si nos autorités voient ce que nous, nous constatons », dénonce-t-il lors d’une rencontre avec un journaliste local.
Pour le Dr. Demba Mara, épidémiologiste, cette situation représente un danger sanitaire. Selon lui, la couleur actuelle de l’eau peut favoriser la propagation de maladies hydriques telles que la diarrhée, le choléra ou la dysenterie. Il cite également des risques liés à la présence possible de métaux lourds. « En cas d’activités minières, l’eau peut contenir du mercure, du cyanure ou de l’arsenic. Cela provoque des troubles neurologiques, des atteintes rénales et hépatiques, des effets sur le développement des enfants, ainsi qu’un risque accru de cancers. Sur le plan dermatologique, les enfants ou pêcheurs exposés à cette eau peuvent développer des dermatites, des mycoses ou des irritations cutanées. Les poissons et fruits du fleuve peuvent aussi accumuler ces polluants. Ce qui peut entraîner une intoxication humaine par bioaccumulation », avertit le médecin.
Face aux critiques pointant leur complicité voire responsabilité dans cette situation, les autorités locales se défendent. Le président de la Délégation spéciale de Siguiri réfute toute complicité dans la pollution des eaux du fleuve Niger. « La gestion des mines ne relève pas des collectivités ; c’est une compétence exclusive de l’État. Notre rôle est d’alerter, et c’est ce que nous avons fait. En janvier dernier, nous avons constaté l’exploitation artisanale sur le lit du fleuve Niger et avons immédiatement publié un communiqué d’alerte. Le procureur [de la République près le Tribunal de première instance de Siguiri] avait requis les forces de l’ordre et l’exploitation avait cessé. Mais la semaine dernière, nous avons découvert que l’activité avait repris et que l’eau avait changé de couleur. J’ai de nouveau informé le procureur, qui mobilise actuellement les forces pour interpeller les responsables. Nous avons organisé de nombreuses réunions et actions de sensibilisation, mais les gens refusent de comprendre. La commune urbaine est une victime collatérale de cette exploitation sur le fleuve », assure Souleymane Koita.
Michel Yaradouno