Portrait de Léontine Dopavogui, tisseuse passionnée en Guinée. Découvrez comment elle a embrassé cet art traditionnellement masculin et lutte pour sa préservation.
Diplômée en Économie dans une université guinéenne, Léontine Dopavogui, quadragénaire, a embrassé le métier du tissage en 2019. Son ambition et sa passion pour cet art l’ont poussée à l’apprendre, se formant auprès d’une femme à N’Zérékoré avec des objectifs bien déterminés et parcourt chaque jour plusieurs kilomètres pour rejoindre l’atelier.
À force de persévérance, elle est devenue une professionnelle épanouie dans un métier traditionnellement réservé aux hommes. Aujourd’hui, elle encadre plusieurs apprenants, hommes comme femmes, et dirige même une coopérative de tissage. Dans cet article proposé par un contributeur d’IdimiJam.com, elle revient sur son attachement à cet art, ses défis quotidiens et son rôle inspirant pour les jeunes filles…
Rencontrée à son domicile, au quartier Boma dans la commune urbaine de N’Zérékoré, Léontine Dopavogui revient d’abord sur les motivations qui l’ont poussée à embrasser l’art du textile africain. « Souvent, quand je regardais la télévision, je voyais des hommes qui faisaient du tissage. Un jour, j’ai demandé à ma maman pourquoi les femmes ne le font pas. C’est là que ma maman m’a dit que c’est un métier habituellement réservé aux hommes. D’ailleurs, à son époque, on n’acceptait pas qu’une femme approche l’atelier, à plus forte raison y entrer. Je lui ai dit que c'est un métier qui me tient à cœur. Elle m’a répondu qu’elle connait une femme qui le pratique. “Si tu es intéressée, je peux te confier à elle”, ma-t-elle dit. C’est ainsi qu'elle m’a confiée à celle-ci. Par amour du métier, je me suis investie pour l’apprendre. En 2019, je me suis forcée à apprendre ce métier parce que, dans la région, il tend à disparaître. D’ailleurs, quand j’ai découvert la rareté des pratiquants, cela m’a donné plus de courage. J’ai commencé l’apprentissage alors que j’étais enceinte de mon troisième enfant. Je n’ai fait que deux mois ou plus dans l’apprentissage, parce que j’avais la passion. Quand tu as l’amour du métier, tu peux l’apprendre rapidement », explique la mère de famille.

Aujourd’hui, la tisserande encadre plusieurs apprenants, hommes et femmes, qui évoluent à ses côtés. « J’ai des apprentis, on travaille ensemble. J’en ai recruté certains et d’autres sont venus volontairement. On s’est mis en association. Certains évoluent dans le tissage seulement, mais d’autres pratiquent aussi la teinture parce que je pratique les deux. Une autre femme, qui fait de la couture, coud nos productions et nous les mettons ensuite sur le marché », précise-t-elle.
Assise en souriant dans son atelier, Léontine Dopavogui évoque également les obstacles rencontrés dans ce métier. Originaire du pays Toma, elle ne manque pas de souligner les difficultés liées à son statut de femme tisserande. « En tant que femme, je rencontre beaucoup d’obstacles. Il y a la charge familiale, les enfants, les occupations ménagères… Mais cela ne m’empêche pas de pratiquer mon métier. C’est un métier qui me tient à cœur. Donc, je me planifie en fonction de mes occupations. Mais ce qui est difficile pour moi, c’est l’acquisition des outils de travail, c’est ça le problème aujourd’hui. L’artisanat est très compliqué. Je ne veux pas que notre culture disparaisse totalement. Je sollicite auprès des autorités et des personnes de bonne volonté de nous venir en aide pour relever le défi. Tous les outils que nous utilisons sont manuels, c’est pour cela que la demande dépasse largement la production. Nous demandons aux autorités de nous aider financièrement pour que nous puissions avoir une machine. Quand on investit dans ce métier, il y a de la rentabilité. Il nous aide à soutenir nos familles. Et puis, on ne veut pas que notre culture disparaisse, c’est pourquoi je tiens beaucoup à ce métier. Nous avons le courage de travailler, mais la production reste très lente parce que tout est manuel », explique Léontine Dopavogui.
Gilbert Tinguiano