Toilettes publiques à Conakry : entre insalubrité, coût et inconfort

Toilettes publiques à Conakry : entre insalubrité, coût et inconfort

À Conakry, l’accès à des toilettes publiques salubres reste un défi majeur. Les rares infrastructures existantes, principalement situées dans les marchés, les gares routières et les bâtiments administratifs, souffrent d’un entretien défaillant. Résultat : leur utilisation devient un véritable parcours du combattant pour la population.

À Conakry, l’accès à des toilettes publiques salubres reste un défi majeur. Les rares infrastructures existantes, principalement situées dans les marchés, les gares routières et les bâtiments administratifs, souffrent d’un entretien défaillant. Résultat : leur utilisation devient un véritable parcours du combattant pour la population.

Face à cette situation, nombreux sont ceux qui doivent payer entre 500 et 2 000 GNF pour accéder à des toilettes privées ou, faute d’option, improviser en utilisant des espaces non prévus à cet effet. Une alternative qui expose la ville à d’importants risques sanitaires et environnementaux.

L’ODD 6 en Guinée : où en sommes-nous ?

Selon le Rapport national volontaire 2024 sur l’état de mise en œuvre des Objectifs de développement durable (ODD) en Guinée, des avancées ont été réalisées en matière d’accès à l’eau potable et à l’assainissement. Entre 2018 et 2022, la proportion des ménages utilisant une source d’eau améliorée est passée de 80 % à 84 %, tandis que ceux bénéficiant de services d’eau potable gérés en toute sécurité ont progressé de 66 % à 71 %.

Toutefois, ces chiffres masquent des disparités notables entre les zones urbaines et rurales. En 2022, si 92 % des ménages urbains avaient accès à une source d’eau améliorée, ce chiffre chutait à 59 % en milieu rural.

Toilette publique

Côté assainissement, la proportion des ménages disposant d’installations sanitaires améliorées est passée de 53 % en 2018 à 61 % en 2022. Pourtant, il n’existe pratiquement pas d’infrastructures d’assainissement collectif ou semi-collectif pour l’évacuation et le traitement des eaux usées, à l’exception de Conakry, où le réseau d’égouts reste insuffisant pour couvrir toute la ville.

L’objectif d’éliminer la défécation à l’air libre progresse en milieu urbain, mais demeure préoccupant en zone rurale. En 2021, un ménage sur neuf (11 %) en ville et un ménage sur six (16 %) en zone rurale ne disposaient d’aucune installation sanitaire.

Dans ce contexte, de nombreux habitants de la capitale expriment leur mécontentement.

 

Toilette Publique

 

Aissatou, commerçante au marché de Madina, témoigne :
Nous devons souvent payer pour utiliser des toilettes qui ne sont même pas propres. Parfois, il n’y a pas d’eau pour se laver les mains, ce qui est dangereux pour notre santé.

Pour Mamadou Saidou Barry, chauffeur de taxi qui passe toute la journée en circulation, trouver un espace approprié pour se mettre à l’aise est une difficulté quotidienne :
Je passe toute ma journée sur la route, mais trouver des toilettes décentes est un vrai défi. Parfois, on doit se débrouiller dans des endroits inappropriés, ce qui n’est ni digne ni hygiénique.

Mamady Cissé, gérant des toilettes publiques de l’immeuble Cissé et Frères du grand marché de Madina, explique les contraintes de gestion :
Chaque matin, nous nettoyons soigneusement les toilettes. Ensuite, toutes les 20 à 30 minutes, nous utilisons de l’eau de javel et désinfectons à nouveau pour maintenir un minimum de propreté. Nous recevons parfois jusqu’à 400 personnes par jour, chaque utilisateur payant 1 000 GNF. Notre principal problème, ce sont les tuyaux d’évacuation : en plein centre du marché, il est très compliqué de gérer l’évacuation des déchets.

Considérée comme la plus grande université de Conakry, l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia dispose d’une vingtaine de toilettes. Cependant, dans certains départements, leur entretien laisse à désirer.

 

TP

 

À l’entrée des sanitaires de la faculté des sciences humaines, aucune signalisation ne permet de distinguer celles réservées aux filles de celles destinées aux garçons. De plus, le nettoyage n’est effectué qu’une seule fois par jour, alors qu’une centaine d’étudiants les utilisent quotidiennement. Une situation qui soulève des préoccupations en matière d’hygiène et de conditions sanitaires pour les étudiants particulièrement pour les étudiantes.

Comparaison avec d’autres villes africaines

D’autres villes africaines ont réussi à améliorer l’accès aux toilettes publiques grâce à des initiatives adaptées. C’est le cas de Kigali, où la capitale rwandaise s’appuie sur des partenariats public-privé pour financer et entretenir des toilettes publiques modernes et propres.


Au Sénégal, des solutions communautaires ont été mises en place, permettant aux habitants de gérer et d’entretenir eux-mêmes les infrastructures sanitaires.

Conséquences sanitaires et économiques

Le manque d’accès à des toilettes publiques salubres entraîne des risques sanitaires considérables. La propagation de maladies hydriques telles que la diarrhée et le choléra est facilitée par ces conditions insalubres.

D’un point de vue économique, les conséquences sont tout aussi lourdes : augmentation des dépenses de santé pour traiter les maladies liées au manque d’hygiène et baisse de la productivité des travailleurs, souvent contraints de perdre du temps à chercher des toilettes ou à lutter contre des maladies évitables.

Défis et perspectives

Malgré ces pistes de solution, plusieurs défis persistent : manque de financement pour l’entretien des infrastructures, insuffisance de sensibilisation et absence d’une politique cohérente en matière d’assainissement.

Une approche intégrée, combinant sensibilisation communautaire et engagement institutionnel, est essentielle pour garantir à tous un accès décent aux toilettes publiques en Guinée.

 

Adama Hawa Bah