Souvent utilisés dans l'agriculture, les pesticides sont des produits utilisés pour protéger les cultures des insectes, des mauvaises herbes, des champignons et d’autres nuisibles. Mais parfois, ces produits ne sont pas utilisés conformément aux directives recommandées. Conséquence, des résidus se retrouvent donc dans les aliments destinés aux consommateurs, affectant leur santé.
Les pesticides sont un ensemble de produits chimiques ou naturels. Ils sont employés contre les parasites, animaux et végétaux pour protéger les cultures, mais aussi pour empêcher que les aliments ne soient endommagés ou détruits par ceux-ci. A travers le monde, plus de mille pesticides sont utilisés. Il en existe trois types : les fongicides, les insecticides et les herbicides utilisés dans l'agriculture. Dans la production alimentaire, les herbicides souvent utilisés jouent un rôle important : celui de la préservation et de l'accroissement des rendements.
Chaque herbicide possède des propriétés qui lui sont propres. Certains après utilisation peuvent persister dans les sols et l’eau pendant des années. Ils peuvent également être toxiques tant pour l’homme que les plantes, selon le mode d’utilisation, la dose, l’exposition et la fréquence. Selon les estimations de l'OMS cité par la FAO, près de 700 000 décès par an en Afrique sont causés par des maladies d'origine alimentaire et par la contamination de l'eau. Malheureusement, peu d'utilisateurs prennent en compte leur possible toxicité. Ce qui a poussé à soumettre ces produits à une réglementation plus contraignante que d’autres produits chimiques, notamment au niveau européen.

Fadima Haidara, Directrice nationale de la protection des végétaux et denrées stockées
En Guinée, leur importation et distribution est gérée par la Direction Nationale de la Protection des Végétaux et des Denrées Stockées (DNPVGDS), sous la tutelle du Ministère de l’Agriculture et de l'Elevage (MAGEL). Et pour être importateur ou distributeur de produits phytosanitaires, “ il faut être muni d’un agrément signé par le MAGEL, proposé par ma direction après analyse, conception et les éléments demandés”, indique Fadima Haidara, Directrice nationale de la protection des végétaux et denrées stockées. “ La licence d’importateur distributeur autorise à commander un produit. Mais avant sa mise sur le marché, il faut être propriétaire du brevet, homologuer la matière active du produit. Avant de vendre, nous demandons des échantillons et des fiches techniques que nous analysons sur la situation géographique et écologique du pays. Après homologation et analyses, nous donnons une autorisation provisoire de vente (APV) valable au maximum trois ans pour observer le comportement de la matière active sur les cultures et le sol. S’il n'y a pas de problème pendant trois ans, nous délivrons l’homologation du brevet de ce produit”, ajoute t-elle.
Risques de l’utilisation des pesticides dans l’agriculture pour les ouvriers
Selon l’OMS, chaque année, “ 600 millions de personnes – soit près d’une personne sur 10 dans le monde – tombent malades après avoir consommé des aliments contaminés et 420 000 personnes en meurent”. En 2015, l’institution estimait également qu’en Afrique, “plus de 91 millions de personnes tombent malades chaque année, entraînant 137 000 décès, soit un tiers de la mortalité mondiale due aux maladies d’origine alimentaire. Les maladies diarrhéiques sont responsables de 70% de ces maladies d’origine alimentaire”. Ces chiffres interpellent sur les effets des pesticides, tant au niveau des agriculteurs que des consommateurs. Déjà, des agriculteurs ou des ouvriers exposés à ces produits se sont retrouvés malades.

Salematou Naby Bangoura, agricultrice dans la ville de Fria, située au nord de la capitale Conakry, évolue dans le maraîchage et la culture des céréales et des tubercules. Partisane d’une agriculture durable qui privilégie le plus souvent l'utilisation des produits organiques (engrais organique, piment, savon noir, compost…), elle fait parfois recours aux engrais chimiques à cause de sa zone d’agriculture qui est une zones minière. “On est obligé parfois de faire recours aux engrais chimiques comme les pesticides, les herbicides, les insecticides, les fongicides, les engrais chimiques, le NPK; l’urée, etc… La fréquence dépend de l'évolution des cultures. Et ça peut être avant, pendant et après la production, pour améliorer la capacité de conservation des produits sur une longue période pendant le stockage”, explique t-elle.
Dans son cas, l’utilisation des herbicides et des produits phytosanitaires se fait par un technicien spécialiste en la matière. Mais même dans cette situation, il y a parfois certains qui sont confrontés à des problèmes de santé : “Il y en a qui se plaignent de problèmes respiratoires, de problèmes cutanés…”.
Même constat chez Diallo Mamadou Djouldé, entrepreneur agricole qui cultive de la pastèque actuellement. Malgré toutes ses mesures de précaution avec des insecticides comme Sharon, il arrive parfois qu’il ait des problèmes. “J'utilise normalement les insecticides Sharon, mais à une très faible dose. J'utilise 25 ml pour un pulvérisateur de 16 litres. Je pulvérise une fois par semaine. Parfois, j’ai des problèmes au niveau de la respiration. Une fois que je passe beaucoup de temps à pulvériser, le retour avec l’air me donne un peu la nausée. A part cela, je me sens bien”, nous confie t-il.

Diallo Mamadou Djouldé, entrepreneur agricole
Comme eux, beaucoup d’autres agriculteurs se retrouvent avec des problèmes de santé, qui peuvent aller des problèmes respiratoires au cancer de la prostate, à la leucémie, à des problèmes de procréation ou des visions. Selon Docteur Sovogui Maxime Balla, Médecin Spécialisé en Santé au travail, l’utilisation des pesticides peut être dangereuse pour la santé humaine si les utilisateurs ne sont pas informés, formés et éduqués : “ Le tableau clinique d’intoxication peut se traduire par les signes d’hémorragie, les atteintes neurologiques, rénales, digestives, cutanées et tardivement certains développent le cancer”.
Au-delà, ces produits chimiques utilisés au départ pour le bien des cultures peuvent persister dans les produits agricoles, et ainsi devenir des résidus alimentaires pour les consommateurs. Ces résidus peuvent avoir un impact considérable sur leur santé.
Conséquences des résidus alimentaires sur la santé des consommateurs
Simone Camara, étudiante en Master 2 biodiversité s’y est intéressé de près à travers son mémoire : “ incidence des pesticides sur les écosystèmes aquatiques : cas de la rivière limbo de kotero, Commune urbaine de Kankan”. “Les pesticides sont toxiques et leur usage ne saurait être admis ou encouragé, qu’à condition de maîtriser parfaitement les modes d’usage ainsi que les risques pour la santé humaine et les milieux naturels susceptibles d’être affectés. En effet, les pesticides sont utilisés dans les pays en développement de façon excessive ou inadaptée. La récolte des fruits et légumes est faite sans respect des délais de sécurité. Ils laissent ainsi, inévitablement des résidus qui pourraient nuire à la santé humaine et à l’environnement”, a-t-elle relevé dans son mémoire.
Pour Dr Balla Sovogui, les impacts à l'exposition aux pesticides sont multiples. “Sur le plan humain, il y a la souffrance liée à la maladie, la baisse de la production professionnelle liée à l'absence au poste de travail, pouvant aller jusqu'à la cessation définitive de son travail, l’augmentation du stress… Sur le plan économique, il ya une prise en charge très coûteuse. Sur le plan environnemental, nous constatons l’élimination de certaines espèces animales”, explique t-il.
Du côté de l’association pour la défense des consommateurs, le sujet bien que inquiétant attend encore des résultats d’enquête. “Quand des gens viennent vers nous, nous demandons si la personne a fait des examens qui indiquent si le produit incriminé est responsable de son problème… Nous sommes en train de mener des enquêtes parce qu’en tant que responsable, nous ne pouvons nous fonder sur des rumeurs pour agir. Souvent, pour vérifier les produits, nous prélevons des échantillons qu’on envoie aux services de contrôles. Si nous ne sommes pas satisfait, nous envoyons à l’international pour voir réellement le problème que la consommation du produit peut causer. Aujourd’hui, nous nous rassurons davantage pour savoir si le corps douanier au contrôle fait vraiment son travail, avant que le produit ne soit mis sur le marché… Nous continuons nos investigations et faisons des relevés de données pour déposer auprès de certains laboratoires, afin de faire des comparaisons. Au moment opportun, nous rendrons les résultats”, assure M’Bany Sidibé, président de l’association pour la défense des consommateurs de Guinée.
Réglementer le secteur des pesticides, une nécessité pour tous les acteurs
Si tous les acteurs sont unanimes sur les conséquences des produits chimiques dans l'agriculture et la consommation, malgré leur avantage, ils s’accordent également sur la réglementation de l’importation, la distribution et l’utilisation de ces produits.

M’Bany Sidibé
“On interpelle les ministères concernés à se concerter pour que le corps de contrôle soit là, afin d’analyser les certificats d'analyse et de certification de contrôle. Nous interpellons surtout les corps de contrôle pour renforcer le contrôle de ces pesticides là, surtout à long terme. Au cas où certains produits passent quand même, qu’ils puissent être interdits d’usage dans notre pays. Nous invitons les consommateurs à la précaution et à l'information sur l’usage des pesticides qu’ils utilisent”, a lancé M’Bany Sidibé.
Du côté des agriculteurs, Salématou Naby Bangoura invite l’Etat à encadrer la vente et l’utilisation des produits chimiques, “tout en ayant soin d’insister sur la sensibilisation et la formation des producteurs pour mieux protéger leur santé et celles des consommateurs”.
Au niveau du MAGEL, Mme Fadima Haidara invite les applicateurs et les paysans à la formation. “Nous faisons la formation des applicateurs… donc nous invitons les paysans à venir se former au MAGEL à travers notre direction. Nous insistons auprès des fabricants que les pictogrammes soient sur les étiquettes sur les flacons afin de se protéger complètement… Nous recommandons que les gens se forment et qu’ils demandent conseils aux représentants de l’APV dans les villages. J'invite tout les acteurs à une utilisation sécurisée et responsable de ces produits”, a-t-elle recommandé.
“Il faut encadrer l’importation, la vente et la distribution des pesticides ; associer les médecins du travail à la surveillance médicale des utilisateurs ; informer, former et éduquer les travailleurs sur les bonnes pratiques d’utilisation ; communiquer pour que chacun comprenne qu’une mauvaise utilisation de ces pesticides peut l’affecter ; ne pas laisser dans la nature les flacons vides des produits utilisés dans la nature et se protéger en utilisant les pesticides. Il faut aussi éviter de consommer les poissons pêchés et le gibier chassé au moyen de pesticides (en milieu rural) ; ne pas administrer de lait, huile de palme aux victimes d’intoxication aiguë aux pesticides ; conserver les insecticides à domicile sous clé, hors de la portée des enfants et des animaux ; observer un temps de latence avant l’accès aux pièces traitées par des insecticides ; appliquer les consignes de sécurité d’utilisation du produit ; ne pas jeter dans la nature les flacons vides des produits utilisés au risque qu’ils soient repris par les enfants ou quelqu’un qui ne connaît pas ses dangers ; consulter rapidement un médecin en cas d’exposition “, recommande Dr Maxime Balla Sovogui.
Il faut noter que pour protéger les consommateurs des effets nocifs des pesticides présents dans les aliments, l’OMS examine des données et met régulièrement au point des limites maximales de résidus pour les pesticides internationalement acceptées.
Elisabeth Zézé Guilavogui