Thierno Souleymane Diallo, cinéaste engagé et réalisateur du documentaire Au cimetière de la pellicule, œuvre avec passion pour redonner vie au cinéma guinéen. Auteur et réalisateur de films documentaires, il est aujourd'hui à la tête de Sabou Ciné Talent…
Thierno Souleymane Diallo, cinéaste engagé et réalisateur du documentaire Au cimetière de la pellicule, œuvre avec passion pour redonner vie au cinéma guinéen. Auteur et réalisateur de films documentaires, il est aujourd'hui à la tête de Sabou Ciné Talent, une initiative de Sabou Tech qui vise à former et accompagner de jeunes talents guinéens dans le domaine du cinéma. Ce projet, soutenu par l'Ambassade de France et d'autres partenaires, offre aux jeunes cinéastes guinéens un espace pour apprendre, créer et partager leurs œuvres. Grâce à des projections publiques et un encadrement professionnel, Sabou Ciné Talent se positionne comme un incubateur de talents cinématographiques, avec pour ambition de transformer le paysage culturel de la Guinée.
Dans cette interview qu’il a accordée à la plateforme IDIMIJAM.COM, il nous partage sa vision, les objectifs du projet et les premiers résultats prometteurs.
IDIMIJAM.COM : Parlez-nous de Sabou Ciné Talent.
Thierno Souleymane Diallo : Sabou Ciné Talent est une initiative de Sabou Tech. C’est un incubateur cinématographique soutenu par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères ainsi que par l’Ambassade de France en Guinée et en Sierra Leone. Il a pour mission d’accompagner les talents locaux en offrant aux jeunes guinéens des opportunités de professionnalisation dans le domaine cinématographique.
Quel est l’objectif de ce projet ?
L'objectif est de professionnaliser les jeunes guinéens qui ont déjà un pied dans le cinéma, qu’ils aient suivi une formation dans des instituts comme l’Institut supérieur des arts Mory Kanté de Dubréka ou qu’ils soient autodidactes. En les encadrant pendant un an, nous les aidons à intégrer le secteur de manière professionnelle, en leur fournissant la formation et l’expérience nécessaires pour développer leurs projets.
Quels sont les premiers résultats de cette initiative ?
Les premiers résultats sont très encourageants. En neuf mois, huit films ont été produits par ces jeunes, incluant quatre documentaires et quatre fictions. Ces films sont le fruit du travail acharné de jeunes guinéens talentueux qui ont su tirer profit de cet accompagnement. C’est un immense succès, non seulement pour nous, mais aussi pour les partenaires et les financiers, qui ne s’attendaient pas forcément à un tel niveau de production.
Vous avez lancé des projections sur le terrain. De quoi s’agit-il concrètement ?
Nous avons entrepris de rapprocher le cinéma du grand public. Aujourd’hui, en Guinée, les gens regardent des films principalement à la télévision, faute de salles de cinéma. Malheureusement, le cinéma a complètement disparu du quotidien des Guinéens. Nous avons donc initié des projections en plein air, dans les quartiers, afin de reconnecter les populations avec le cinéma local. Ce projet vise à montrer que Sabou Ciné Talent est bien plus qu’une formation, c’est aussi une démarche de diffusion culturelle.

Comment les films sont-ils accueillis localement et internationalement ?
Au niveau local, les retours sont très positifs. Les gens sont surpris et fiers de découvrir ce que de jeunes guinéens peuvent accomplir dans le cinéma. Cela suscite un véritable engouement et incite d’autres jeunes à s’intéresser à cette initiative. À l’international, bien que nous n’ayons pas encore eu l’occasion de projeter ces films dans des festivals, les quelques personnes qui ont visionné des extraits nous ont fait des retours très enthousiastes, reconnaissant la force et l'authenticité de notre cinéma.
Vous êtes l’auteur d’un film qui devient un symbole de réussite dans le cinéma guinéen, en l’occurence Au cimetière de la pellicule, que ressentez-vous aujourd’hui ?
En tant qu'auteur du film Au cimetière de la pellicule, mon intention était de poser des bases pour le cinéma guinéen, mais aussi pour le cinéma africain en général. Le cinéma est une industrie, et il est difficile de parler d'une industrie quand tout ce qui est nécessaire à son fonctionnement n'est pas en place. Formation, archives, professionnalisation, accès au matériel et au financement : la Guinée est l'un des rares pays au monde où il n'y a pas de fonds dédiés au cinéma. Cela fait des années que des promesses sont faites, mais nous attendons encore leur réalisation. Peut-être, un jour, elles se concrétiseront mais pour l'instant, il n’y a aucun écosystème.
Et maintenant, quelle est la suite ?
Passer du Cimetière de la pellicule à la coordination de Sabou Ciné Talent, c'est une suite logique pour moi, comme l'a souligné Diogo Barry, le directeur de Sabou Tech. C'est une continuité de ce que j'ai commencé il y a quelques années dans le cinéma. C'est une grande fierté pour moi d'accompagner ces jeunes guinéens dans la réalisation de films sur place, une opportunité que nous n'avions pas. Aujourd'hui, nous construisons un nouvel écosystème en ouvrant des brèches et en traçant notre propre chemin.
Pour vous, quel serait le meilleur épilogue de ce projet cinématographique guinéen ?
Le plus grand succès, cette année, est d’avoir produit huit films en neuf mois. En réalité, nous avons travaillé pendant huit mois, avec une pause en mars. Donc cela représente pratiquement un film par mois. C’est inédit en Guinée. Et ces films ne sont pas des productions commandées par l’État, mais des œuvres d'auteurs libres. Ils sont venus avec leurs propres idées et nous avons simplement créé un cadre pour qu'ils puissent les développer. C’est vraiment l’un des plus grands accomplissements de cette année.
Propos recueillis par Alpha Oumar Baldé