Handicap et vie sentimentale : confidences de personnes en situation de handicap

Handicap et vie sentimentale : confidences de personnes en situation de handicap

Des personnes en situation de handicap témoignent de leurs parcours amoureux, entre espoirs, rejets et résilience. Des récits intimes et puissants qui brisent les tabous, déconstruisent les préjugés et rappellent que l’amour est un droit universel, au-delà des différences.

On parle souvent d'inclusion, d’égalité et d’équité, mais rarement d’amour, surtout quand il s’agit de relations amoureuses. Pourtant, les personnes en situation de handicap aiment, désirent, espèrent, souffrent et rêvent comme tout le monde. Dans cet article, plusieurs d’entre elles prennent la parole sans filtre pour raconter leurs histoires intimes. Des récits vrais, puissants, parfois douloureux, mais profondément humains.

Oumou Hawa Diallo, activiste des droits des personnes handicapées

Je suis Oumou Hawa Diallo, diplômée en Histoire des relations internationales à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia. Je suis une personne à mobilité réduite, activiste des droits des personnes handicapées, humanitaire et entrepreneure. Je suis handicapée depuis l’âge de deux ans, à cause de la poliomyélite.

Concernant ma vie amoureuse, je suis une jeune femme qui a un cœur en or à offrir à celui qui le mérite. J’ai une vision et une interprétation de la vie amoureuse. La société se pose toujours des questions : est-ce que nous pouvons entretenir une relation amoureuse, voire fonder un foyer ? Je pense que c’est mal nous connaître. Nous sommes souvent mystifiées, entourées d’idées reçues. Certains hommes viennent vers nous par simple curiosité, pour vérifier si ce que dit la société est vrai.

Oui, j’ai été aimée, et j’ai aimé. Mais à cause de mon handicap, cela n’a pas abouti. J’ai eu des prétendants au mariage, mais les familles, en particulier celle du monsieur, sont souvent catégoriques.

À chaque rencontre sérieuse, je sens l’amour, l’envie, la sincérité… mais au final, la famille s’impose en demandant : « Pourquoi une telle fille ? Tu n’as pas trouvé mieux ? Elle pourra gérer un foyer ? Concevoir des enfants ? Faire le ménage ? ». Ces questions reviennent souvent et me poussent à renoncer. Je ne peux pas m’engager dans un foyer où je ne suis pas acceptée. J’ai connu des projets de mariage avortés simplement parce que je suis porteuse de handicap.

Mais cela ne m’empêche pas de croire. Je suis une fervente croyante. Je me dis toujours : ce n’était ni la bonne personne ni le bon moment. Je m’en remets à Dieu et je vais de l’avant.

Je surmonte ces situations par la foi. Je me dis que si nos destins sont liés, nous nous marierons. Je ne me mets pas la pression. Je me concentre sur mon développement personnel, mes objectifs, mes projets… et avec la foi, rien n’est impossible.

Les défis sont nombreux : manque de confiance en soi, difficulté d’acceptation de soi, absence d’autonomie financière, rejet et marginalisation au sein même de nos familles.

Avant de conclure, je lance un message à toutes les jeunes filles et femmes en situation de handicap : prenez soin de vous. Aimez-vous d’abord. Acceptez-vous. Acceptez le destin. Ayez confiance en vous, croyez en vous et en l’amour. Car oui, l’amour existe malgré les défis. Celui qui vous est destiné vous trouvera, vous prendra la main, vous épousera, vous chérira. Ne quémandez jamais l’amour. C’est la pire erreur. Soyez ouvertes d’esprit.

Mamadou* (nom d’emprunt)

Je me présente comme Mamadou* (pour préserver mon anonymat). J’ai 32 ans. Je suis une personne comme tout le monde, avec mes rêves, mes passions, mes espoirs, mais aussi mes défis. Je suis en situation de handicap depuis l’âge de 7 ans, suite à un accident. En jouant sur notre terrasse, j’ai voulu mieux voir un train passer. Je suis monté plus haut, j’ai glissé, et je suis tombé violemment sur la main gauche. À cause d’un manque de moyens pour suivre le traitement adéquat, mes parents ont dû accepter l’amputation de mon bras gauche après trois mois de douleur. Ce jour-là a changé ma vie, mais avec le temps, j’ai appris à transformer cette épreuve en force.

J’ai eu des relations amoureuses, certaines longues, d’autres brèves. Toutes m’ont appris sur moi et sur les autres. Mes partenaires n’étaient pas en situation de handicap. Chaque relation est unique. Il faut parfois rassurer, briser des préjugés, mais cela fait partie du chemin.

Oui, mon handicap a parfois été un obstacle, plus ou moins visible. Il arrive qu’on me voie uniquement comme « le handicapé », avant même de me connaître. Pour dépasser cela, j’ai dû affirmer qui je suis, renforcer ma confiance, m’entourer de personnes qui m’acceptent pleinement.

Je me souviens d’une fille rencontrée sur Instagram. On discutait chaque jour, on rigolait, on partageait des moments simples. Mais quand je lui ai parlé de mon handicap, elle a mis du temps à répondre. Puis elle a dit : « Tu es super, mais je ne pense pas pouvoir gérer ça ». Et elle a disparu. C’était dur. J’ai compris que ce rejet ne disait rien de moi, mais tout de ses peurs et préjugés. Aujourd’hui, je suis honnête dès le départ. Je ne me cache pas.

Les défis sont nombreux : le regard des autres, les lieux inaccessibles, les représentations médiatiques limitées, la peur de ne pas être “suffisant”. Il faut briser les silences, éduquer, créer des espaces inclusifs, et surtout : écouter les personnes concernées. On a tant à dire… et à aimer.

Mariame Kanté, infirmière d’État, célibataire

Je suis handicapée depuis l’âge de deux ans, à la suite d' une poliomyélite.

J’ai été amoureuse d’un homme valide. Nous avons vécu un an de relation. Mais dès qu’il en a parlé à sa famille, j’ai été rejetée. Ils pensaient que j’allais devenir une charge pour lui.

Mon handicap a eu un grand impact sur ma vie amoureuse. Mais je me suis remise à Dieu. Je me suis dit que ce qui m’est destiné finira par arriver.

Je propose qu’on multiplie les campagnes de sensibilisation sur l’amour entre personnes valides et handicapées, qu’on encourage la confiance en soi et surtout l’autonomisation financière des personnes en situation de handicap.

Aly Komano, Digital Strategist et Assistant Lecturer à l’ISIC de Kountia

Je m'appelle Aly Komano. Je travaille dans le digital et l’éducation. Je suis Digital Strategist et enseignant assistant à l’ISIC de Kountia. J’aime transmettre et accompagner.

Je ne suis pas né handicapé. Un jour, une souris a sauté sur mon dos alors que j’étais couché. Étrange, mais vrai. Depuis, ma vie a changé. J’ai appris à m’adapter.

J’ai eu plusieurs relations, toutes avec des femmes valides. Ce qui compte pour moi, c’est la connexion, les valeurs, le respect mutuel. Le handicap n’a jamais été un problème pour mes partenaires. Le blocage venait plutôt des parents, influencés par la culture.

Aujourd’hui, je suis marié. J’ai rencontré ma femme un jour ordinaire. Je lui ai déclaré ma flamme, elle a cru à une blague. Pour lui prouver ma sincérité, je suis allé chez elle avec mes parents. Elle a compris.

Oui, il y a eu des jugements, mais on s’est concentrés sur notre bonheur. Elle est fière de moi, et je suis fier d’elle.

Le véritable obstacle n’est pas dans les jambes, mais dans les mentalités. Heureusement, l’amour n’a besoin d’aucune béquille.

Boubacar Sanso Barry, journaliste et directeur de publication du site Ledjely.com

Je suis marié depuis dix ans et père de trois enfants. Mon handicap remonte à l’enfance, à l’âge de 4 ans, suite à la poliomyélite.

J’ai connu des relations avant le mariage. Mais je pense que mon handicap a influencé certains refus, même si cela n’a pas toujours été dit ouvertement. Quand ma femme a accepté de m’épouser, certains proches se sont interrogés : « Peut-il avoir des enfants ? » C’est la première fois que la question était posée aussi ouvertement. Peut-être que d’autres se la posaient en silence.

Le handicap agit à deux niveaux. D’abord, de manière directe, quand on doute de ta capacité à fonder une famille. Ensuite, de façon plus insidieuse, à cause des stéréotypes : le handicap est souvent associé à la pauvreté, à l’échec, à la mendicité. Or, toute personne veut que son conjoint soit valorisé par la société.

Je n’ai pas toujours été conscient de mon propre handicap. Grâce à ma famille et à mes amis, je me suis toujours senti intégré. Il m’est même arrivé d’oublier que j’étais handicapé.

La solution passe par l’éducation, la scolarisation, l’accès à l’emploi, l’intégration dans tous les cercles sociaux. Il faut regarder au-delà du fauteuil ou de la béquille, considérer la personne dans sa globalité.

Ces voix ne demandent ni pitié ni permission. Elles exigent simplement d’être entendues. Car aimer n’est pas une faveur accordée à certains corps : c’est un droit fondamental. Il est temps de regarder autrement, d’aimer autrement – et surtout, d’aimer pleinement, sans condition.

Élisabeth Zézé Guilavogui