Un Guinéen met au point Soneyah, un charbon écologique fabriqué à partir de papiers usagés

Un Guinéen met au point Soneyah, un charbon écologique fabriqué à partir de papiers usagés

Alors que la déforestation progresse à un rythme alarmant en Guinée et que les déchets s’amoncellent dans les zones urbaines, une initiative innovante voit le jour à Conakry.

Alors que la déforestation progresse à un rythme alarmant en Guinée et que les déchets s’amoncellent dans les zones urbaines, une initiative innovante voit le jour à Conakry. Ibrahima Mengué Camara, un jeune entrepreneur engagé pour la protection de l’environnement, a mis au point un procédé de fabrication de charbon à base de papiers et de cartons recyclés, qu’il a baptisé « Soneyah », un mot qui signifie « raccourci » ou « facilité » en langue soussou. À travers ce produit, il entend apporter une réponse à la fois écologique et économique aux besoins énergétiques des ménages.

L’idée est née d’une expérience intime remontant à son enfance. « Depuis tout petit, je cherchais du charbon pour sortir ma maman des difficultés. Mon père voulait toujours que son repas soit réchauffé avant de regarder le journal de 19h, mais souvent, il n’y avait pas de courant ni de charbon à la maison. Il criait sur maman, et à partir de 19 heures, les vendeuses ne livraient plus de charbon. C’est ce jour-là que j’ai promis à ma mère qu’un jour je fabriquerais du charbon qu’on pourrait avoir à toute heure », raconte-t-il.

Cette promesse, longtemps portée en silence, s’est transformée en projet. À force d’observation, le jeune homme s’est intéressé à la composition du papier, issu lui-même du bois. « Je me suis dit : si le papier vient du bois, alors on peut sûrement en faire du charbon. J’ai commencé à malaxer mes papiers brouillons avec de l’eau dans une tasse dans ma chambre, à les presser, puis à les sécher au soleil. Au début, c’était comme un jeu, je le faisais en cachette », poursuit Ibrahima.

Mengué CamaraMengué Camarar

L’expérimentation a ensuite pris une tournure plus sérieuse. Les premiers essais ont toutefois montré leurs limites : le charbon brûlait trop vite et produisait beaucoup de fumée. C’est à partir de là que Mengué Camara s’est lancé dans une série d’ajustements pour améliorer la qualité de combustion. « Ma petite sœur m’a dit : “Mon frère, ça brûle vite et ça fume trop”. J’ai alors cherché à ralentir la combustion et à réduire la fumée. J’ai essayé avec de la terre, sans succès. Puis je me suis rappelé de la pâte argileuse qu’on trouve au bord de la mer dans les trous creusés par les crabes. Je l’ai utilisée, et ça a marché », se rappelle le jeune inventeur.

Cette découverte lui permet de concevoir un charbon plus stable, avec une combustion plus lente et plus propre. Il crée alors les premiers échantillons exploitables et teste le produit dans son entourage. L’enthousiasme est immédiat, mais un nouveau défi se pose : la capacité de production. « Aujourd’hui, je fabrique les briquets de façon artisanale, un par un. La demande dépasse largement ce que je peux produire. Un tas de 50 briquets coûte 5 000 francs guinéens. Mais parfois, je suis obligé de refuser des commandes pour en garder assez pour ma propre concession », explique-t-il avec un mélange de fierté et de frustration. « J’ai écrit à plusieurs ministères. Ils ont testé le charbon, ils m’ont félicité, m’ont encouragé, mais rien de concret n’a suivi pour le moment », regretter M. Camara.

Pour le jeune entrepreneur, ce charbon n’est pas seulement une solution énergétique. C’est aussi une réponse directe à la dépendance des femmes vis-à-vis du charbon de bois. « On dit que : “Qui produit du charbon bio sauve une forêt.” Grâce à ces briquets, les femmes peuvent cuisiner sans recourir au charbon classique. Nous réduisons ainsi la coupe abusive des arbres, tout en facilitant la vie domestique », souligne-t-il, espérant un soutien pour une production massive.

Four

Malgré les difficultés logistiques, Mengué Camara garde une vision à long terme. Il souhaite élargir son activité à l’ensemble du territoire guinéen, voire dans la sous-région ouest-africaine. Pour cela, il dit avoir besoin d’équipements adaptés : « Je travaille à la main. Si j’avais une broyeuse de papiers et de plastiques, un mixeur, et un moule capable de produire une grande quantité de briquets par jour, cela changerait tout. Aujourd’hui, pour remplir deux ou trois sacs, je dois travailler toute la semaine ».

Au-delà des aspects techniques, l’entrepreneur perçoit dans son projet un levier pour l’emploi jeune. « C’est une source d’énergie alternative bon marché. Si je suis accompagné, je peux former d’autres jeunes, créer des emplois et contribuer à la lutte contre le chômage », affirme-t-il.

Marmite

Dans un appel adressé aux autorités, il lance un message fort : « Je demande aux autorités de soutenir cette initiative. La jeunesse guinéenne a des idées. Nous pouvons, nous aussi, participer à la lutte contre le changement climatique et à la préservation de l’environnement ».

 

Rédaction IdimiJam.com