L'information et l'économie en difficulté: le référendum qui a mis Internet sur pause

L'information et l'économie en difficulté: le référendum qui a mis Internet sur pause

En Guinée, la coupure d’internet à la veille du référendum du 21 septembre a paralysé médias, startups et citoyens, provoquant d’importantes pertes économiques.

​Imaginez que, du jour au lendemain, on coupe l'oxygène à tout un écosystème. C'est exactement ce qui s'est passé en Guinée, à la veille du référendum du 21 septembre. L'accès à Internet a été brusquement restreint, sans aucune explication officielle, laissant derrière lui plein de frustrations et de pertes. Pour la presse, les jeunes entrepreneurs et tous ceux dont le numérique est le moteur de leurs activités, cette coupure a été bien plus qu'un simple désagrément : c'est une véritable perte économique.

Pour les journalistes, cette restriction est un coup dur. Il n’y a plus de mises à jour en direct, impossible d’envoyer des articles ou de partager des vidéos. La presse en ligne, qui est de plus en plus le cœur de l'information en Guinée, s'est retrouvée les mains liées. C'est un peu comme si, au moment d'un événement crucial, on empêchait les journaux de sortir et les radios de diffuser. Certains ont tenté de contourner l'obstacle avec des VPN, ces logiciels qui permettent de se connecter via un serveur privé virtuel, mais la solution est instable. Finalement, c'est le droit d'informer et celui d'être informé qui en prennent un coup.

​« Cette coupure d'internet a un réel impact négatif sur nous reporter du journal en ligne. Imaginez, tout ce que nous faisons se passe avec Internet. Déjà, ça a commencé le jour des votes, j'ai fait les premiers constats vers les 7h30, je finis mon papier et je n'arrive pas à l'envoyer par mail à mon rédacteur en chef puisque je ne savais même pas que c'était brouillé. C'est un confrère qui me conseille de télécharger un VPN pour contourner les brouillages. Donc le papier que j'ai fait à 7h n'a été publié qu’à 11h. Tandis que le journal en ligne c'est l’instantanéité. Mais même ces VPN, c'est pas facile puisque des fois ça ne prend. Il arrive des moments que tu galères un seul papier pendant des heures finalement l'élément devient caduc dans ta main tu n'auras travaillé que pour rien dans ce cas. Un journal en ligne, c'est internet », confie  Mohamed Fofana, journaliste.

​Au-delà de l'information, c'est tout un pan de l'économie qui a été mis sur pause. Les startups, ces jeunes entreprises qui reposent entièrement sur le numérique, en sont les premières victimes. Les plateformes d'e-commerce qui ont du mal à vendre, les services de livraison qui ne reçoivent plus de commandes et les entreprises de formation en ligne qui perdent leurs clients. « Je suis dans la vente en ligne depuis 2 à 3 ans. Et honnêtement, je m’en sors pas mal. Car, c’est un milieu qui est en train de connaître un succès ; surtout avec Facebook où je place personnellement mes produits. J’effectue pas mal de chiffres d’affaires, mais depuis quelques jours mes activités sont au ralenti à cause de la coupure d’internet. Les clients qui n’ont pas la chance d’installer d'applications VPN grâce auxquelles bon nombre d’internautes arrivent à se connecter, ne voient pas nos publications. Et cela pose un réel problème parce que qui dit vente en ligne doit parler forcément de la connexion internet. Et si elle n’existe pas nos activités n’existent pas non plus », explique Mariame N'diaye, une vendeuse en ligne.

​Cette coupure n'a pas seulement touché les entreprises, elle a aussi eu un impact direct sur la vie des citoyens. Des milliers de jeunes ont vu leurs opportunités de travail et d'apprentissage disparaître. Les freelances sont au chômage technique, et les créateurs de contenu n’arrivent pas à alimenter leurs plateformes en ligne. Pour eux, Internet n'est pas un luxe, mais une source de revenus vitale.

Alors que les autorités ne communiquent pas souvent autour de ces coupures ou laissent entendre que ces mesures s’inscrivent dans la lutte contre la désinformation, l'impact social et économique soulève une question : comment trouver le juste équilibre entre la stabilité sociopolitique et le maintien d’un environnement numérique libre.

Hadja M’bambé