”L’Histoire de Souleymane” : l’odyssée douloureuse d’un migrant guinéen, entre exil et survie

”L’Histoire de Souleymane” : l’odyssée douloureuse d’un migrant guinéen, entre exil et survie

Présenté dans la sélection Un Certain Regard du Festival de Cannes 2024, “L’Histoire de Souleymane” de Boris Lojkine avait été projeté au Centre culturel franco-guinéen (CCFG), le 7 février 2024, suscitant de nombreuses réactions parmi les spectateurs.

Présenté dans la sélection Un Certain Regard du Festival de Cannes 2024, “L’Histoire de Souleymane” de Boris Lojkine avait été projeté au Centre culturel franco-guinéen (CCFG), le 7 février 2024, suscitant de nombreuses réactions parmi les spectateurs. Ce film coup de poing plonge le public dans le quotidien éprouvant d’un jeune migrant guinéen en quête de régularisation en France. À travers un récit brut et immersif, le réalisateur met en lumière les espoirs, les luttes et les désillusions d’une jeunesse contrainte à l’exil.

Le film suit Souleymane, incarné par Abou Sangaré, lui-même migrant guinéen, dans sa lutte pour obtenir des papiers. Entre courses effrénées en tant que livreur à vélo et préparation obsessionnelle à son entretien de demande d’asile, son existence est marquée par la précarité et l’incertitude.

 

Corentin Perrette

Corentin Perrette

Pour Corentin Perrette, spectateur rencontré au sortir de la projection, “L’Histoire de Souleymane” « est assez proche de la réalité, même si, bien sûr, je n’ai jamais connu cette situation. Mais, c’est très touchant ».

Boris Lojkine évite le piège du misérabilisme en insufflant une humanité vibrante à son protagoniste. Marine Marc, qui vit en Guinée depuis plus d’une décennie, a été profondément émue par cette justesse. « C’est très touchant. Ça témoigne vraiment de ce que vivent les jeunes immigrés guinéens. On s’imagine un eldorado en France, mais en fait, c’est aussi très compliqué », fait-elle remarquer.

 

Boris Lojkine

Marine Marc

Un récit fragmenté entre tension et espoir

Le film adopte un rythme haletant, reflétant l’urgence permanente de la vie des sans-papiers. Mohamed Doumbouya, ancien employé de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a été marqué par cette approche immersive. Il explique que malgré son expérience, il a reçu « un choc ». « Le rythme du film nous maintient constamment en mouvement, entre chocs, accidents et violence sonore. Mais il faut croire que c’est ça, la vie des jeunes immigrés clandestins, malheureusement », explique-t-il.

 

Mohamed Doumbouya

Mohamed Doumbouya

“L’histoire de Souleymane” ne se résume toutefois pas à une succession d’épreuves. Il y a aussi des instants de tendresse et d’humour, notamment dans sa relation avec sa fiancée. Mais le film laisse volontairement certaines questions en suspens, comme le souligne Marine Marc : « On est restés sur notre faim. On attend une réponse, mais finalement, le film montre que ce n’est pas la décision qui compte, mais tout ce qu’il a vécu en France ».

Un reflet amer d’une génération sacrifiée

Au-delà du destin individuel de “Souleymane”, le film soulève une problématique plus large : celle d’une jeunesse guinéenne contrainte à l’exil pour survivre. Mohamed Doumbouya exprime une douleur particulière face à cette réalité : « C’est le pire branding qu’on peut faire de la Guinée. Toute cette énergie qu’on n’arrive pas à exploiter chez nous pousse les jeunes à partir. Les mamans sont malades, les petites sœurs doivent vivre… et on doit quitter le pays pour pouvoir servir à quelque chose ».

Un film nécessaire

Cette projection a suscité des réactions fortes parmi les spectateurs, confirmant l’impact émotionnel du film. “L’Histoire de Souleymane” est un film essentiel, qui donne un visage et une voix aux milliers de jeunes Africains tentant, au péril de leur vie, de se construire un avenir ailleurs.

Si son approche naturaliste et immersive peut laisser un sentiment de frustration, notamment par l’absence de réponse claire sur le sort de “Souleymane”, c’est aussi ce qui fait sa force. Le film ne cherche pas à offrir une résolution facile, mais à confronter le spectateur à la dure réalité de l’exil.

En sortant de la salle de projection, on ne peut qu’être bouleversé par cette odyssée humaine, aussi poignante que universelle.

 

Adama Hawa Bah