Commune rurale de Molota, un exemple de gouvernance locale inclusive !

Commune rurale de Molota, un exemple de gouvernance locale inclusive !

Le budget participatif est considéré comme un outil de démocratie participative et du contrôle citoyen de l’action publique (CCAP).

Le budget participatif est considéré comme un outil de démocratie participative et du contrôle citoyen de l’action publique (CCAP). L’économiste brésilien Ubiratan de Suza le définit dans son livre 72 questions courantes sur le Budget Participatif – UN-HABITATA comme un « processus de démocratie directe, volontaire et universel, au cours duquel la population peut discuter et décider du budget et des politiques publiques ». En Guinée, cet outil a été récemment intégré dans la gouvernance des communes. Dans certaines collectivités, comme la Commune rurale (CR) de Molota, dans la préfecture de Kindia, son avènement date des années 2000, avec le Programme d’Appui aux Communautés Villageoises (PACV). 

Le budget participatif est un processus par lequel les différentes composantes d’une collectivité locale (population) sont impliquées dans la gestion des affaires publiques. La démarche dans ce processus est participative, de la base au sommet. Ce, afin de pouvoir définir d’un commun accord les priorités en termes de développement socio-économique local qui sont intégrées dans le budget de la collectivité locale. Ce processus permet à la population de suivre l’utilisation des ressources locales, de participer directement à la définition des politiques publiques et à la gouvernance des ressources, d’exiger des élus l’exercice de la redevabilité et de garantir la transparence dans la gouvernance. Dans le processus du budget participatif, le citoyen ne limite donc pas sa participation au vote, il va au-delà en s’impliquant activement dans les affaires de sa communauté.

Outil dynamique et flexible, pouvant être adapté aux différentes réalités socio-économiques, politiques et culturelles d’une localité, le budget participatif est considéré comme une innovation démocratique majeure d’envergure mondiale selon l’ONU. Il est d'ailleurs primé par ce dernier sur sa liste des 40 innovations urbaines les plus notables dans le monde. 

C’est donc dans ce sens que le ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation (MATD) s’est convaincu de l’intégrer dans la gouvernance locale en Guinée, pour résoudre le problème de la faiblesse de la participation dans le processus budgétaire au sein des collectivités locales et la répartition inéquitable des ressources.

A Molota, commune rurale de Kindia située à 115 kilomètres au nord-est de Conakry, cet outil s’est imposé, faisant de cette localité un modèle d’implication citoyenne dans la gestion des projets de développement local. Dans cette collectivité, les citoyens prennent part tout le long du processus d’élaboration du budget, preuve de leur engagement citoyen. « Depuis l’avènement du PACV, en 2003 précisément, nous sommes dans cette dynamique d’élaboration de projets participatifs. Tout commence par un DPC (diagnostic participatif communal) qui se déroule dans tous les secteurs de la commune. Les focus groupes sont constitués : groupes des jeunes, groupes des femmes et ceux des personnes âgées. Chacun émet l’action qu’il veut qu’on mène dans son secteur, avec un encadrement des agents techniques qu’on dénomme ATEC (agent technique de développement communautaire). Avec le consentement des trois groupes différents, on élabore un tableau avec leur plan de développement du secteur ou du district. Une fois cette activité menée sur toute l’étendue de la commune, il y a un jour où tous ces districts se retrouvent au chef-lieu, c’est le jour du forum communautaire où chacun vient défendre les priorités de son district », nous explique Daouda Camara, président de la délégation spéciale de Molota.

Les élections des actions à mener sont régies par des principes. C’est le cas par exemple de ceux qui concernent l'éducation et les structures sanitaires. « Il y a une carte sanitaire qui est à la base de l’élection, de la construction d’un poste de santé par exemple, parce qu’il y a une distance requise et aussi le nombre de personnes résidant dans la localité. Donc, c’est à partir de ces critères que les districts conviennent de la nécessité et la priorisation des actions à mener dans la commune. Et c’est à partir de l’élection de ces activités qu’on essaie de prioriser les actions à mener sur l’étendue de la commune par an. Et de ce plan de développement local (PDL), on dégage le PAI (plan annuel d’investissements), car c'est en fonction du montant que l’Etat affecte à chaque commune pour la réalisation des activités à mener dans l’année », poursuit-il.

Pour appuyer le montant affecté par l’Etat, la CR fait appel aux ressources internes qui peuvent aussi être mobilisées. « Il a été dit que ce n'est pas le montant de la mobilisation interne qui est important, mais le pourcentage de la mobilisation parce que toutes les communes n’ont pas les mêmes possibilités. Il y en a où il y a beaucoup d’activités qui peuvent donner les moyens à la commune pour mener à bien les activités. Par contre, dans d’autres communes, il n’y a peut-être que les taxes des bâtiments comme chez nous. C’est dérisoire mais à travers ça, on peut comprendre la volonté des gens à développer leurs communes », précise Daouda Camara.

Pratiquer le budget participatif a permis aux citoyens de Molota de connaître tout ce qui se réalise dans la commune, de mieux comprendre le système de gestion, mais surtout de participer en apportant leurs compétences (temps, main d'œuvre locale...). Aujourd’hui, elle est presque un modèle dans la mise en œuvre des mécanismes d’engagement citoyen.

C'est donc fort de cette expérience que Daouda Camara invite les autres communes à s’inspirer de Molota, en mettant en avant la transparence. « Ce que je peux conseiller à ces communes, c’est la transparence à la base. Il faut informer les gens, les sensibiliser et veiller à ce que tout se passe devant tout le monde. Quand c’est transparent, tout le monde y adhère. Il n’y a pas de soucis pour cela. Il faut impliquer tout un chacun à tous les niveaux de l’évolution. Par exemple, même dans la réalisation d’une infrastructure, il y a un comité de suivi qui est mis en place ; et est encadrée par l’ingénieur conseil pour suivre l’activité de l’entrepreneur. Donc, la population est à part entière responsable et bénéficiaire des activités menées chez elle », souligne le président de la délégation spéciale de Molota.

Poursuivant, il lance un appel aux autorités centrales. « Je demande à l’Etat de prendre en compte le problème de l’environnement. Nous sommes une commune rurale et l’impact du changement climatique est beaucoup plus visible dans les zones rurales, à travers les cultures. Donc, que l’Etat essaie de trouver un peu plus de moyens pour pouvoir les affecter à la protection de l’environnement », a-t-il plaidé 

La commune de Molota bénéficie de l’appui de la Banque mondiale et de l’Agence Française de Développement (AFD) depuis près de 20 ans, notamment dans le cadre du Programme d’Appui aux Communautés Villageoises (PACV). Son expérience constitue un modèle à partager avec d’autres collectivités guinéennes pour une gouvernance locale plus inclusive.

 

Elisabeth Zézé Guilavogui

Crédit Image : guineeminesnature.com