Culture du coton à Kankan : une filière en renaissance, entre défis et espoirs…

Culture du coton à Kankan : une filière en renaissance, entre défis et espoirs…

Entre nostalgie d’un passé prospère, témoignages poignants de producteurs abandonnés et espoirs portés par les promesses de relance, le secteur se bat pour retrouver sa place dans l’économie locale de la Haute-Guinée.

Il y a des décennies derrière, la production et la commercialisation du coton étaient au cœur des activités des populations de la Haute-Guinée. Des investissements colossaux avaient été faits par les dirigeants de l’époque et des partenaires du privé pour permettre à chaque producteur de s’investir davantage et profiter des retombées de cette activité. Une usine fut même installée dans un quartier périphérique de la commune urbaine de la ville de Kankan pour valoriser la cotonculture. Mais avec le temps, l’usine est devenue l’ombre d’elle-même, plusieurs travailleurs ont été licenciés et les machines tournent au ralenti.

Avec l’avènement du CNRD, le 5 Septembre 2021, la société autrefois appelée “Projet Coton” a changé de nom pour devenir Société cotonnière de Kankan (SCK) avec un nouveau statut. Longtemps négligée face à la montée de cultures vivrières et à l’instabilité du marché mondial du coton, la filière cotonnière retrouve peu à peu sa place, portée par des initiatives gouvernementales et le retour de certains investisseurs privés.

La culture du coton en Haute-Guinée, particulièrement à Kankan, n’est pas nouvelle. Héritée de l’époque coloniale, elle constituait jadis une activité de premier plan dans la région, mobilisant des milliers de petits producteurs. Mais entre les années 1990 et 2000, la filière a vu un net recul de sa production, en raison de la baisse des prix, causée par une concurrence de plus en plus rude, sur le marché international. Par manque d’infrastructures de transformation et de réduction des subventions, la production a plongé. Mais aujourd’hui, avec la mise en place de programmes de relance agricole et le soutien de partenaires techniques, des coopératives au niveau local voient le jour et essaient de redynamiser la culture du coton dans la région.

La culture du coton, un secteur mort selon le patron de la fédération 

En dépit de la volonté manifeste, le président de la Fédération cotonnière de Guinée souligne que la production peine à se développer. Mamadi Kaba se rappelle de sa tendre jeunesse au milieu des champs cotonnière de son Bankalan natal. Aujourd’hui dans la soixantaine, il regrette l’abandon et l’état dans lequel se trouvent les cotonculteurs. « La culture du coton est le résultat d’un grand processus. Semer, désherber, pulvériser, utiliser de l’engrais, entre autres... C’est un très long processus mais actuellement, on le fait avec des moyens rudimentaires, comme des houes ou la charrue. Plus de 40 000 personnes travaillaient dans le secteur du coton, mais avec la mévente et le manque d'accompagnement des autorités, beaucoup de personnes ont fini par quitter. Actuellement, le secteur est à l’agonie mort. On attend toujours l’appui de l’Etat », a-t-il expliqué à un contributeur d’IdimiJam.com.

M.Kaba

Sidiki Diallo, DGA de la societe cotonnière de Kankan

Pourtant, estime M. Kaba, « aucun secteur ne peut remplacer l’agriculture. Les gens partent vers les mines, mais aucun ne peut par contre remplacer l’agriculture. Quand on cultivait le coton, on mangeait à notre faim, construisait des bâtiments, des mosquées et d’un seul coup, tout est tombé et cela a été le début de nos misères. Mais avec les nouvelles initiatives, on recommence à espérer ».

Les femmes productrices peinent à se relever de l’abandon du secteur

Mama Sidibé a bercé son enfance dans la culture du coton. C’est dans son foyer conjugal, au quartier Dabadou, qu’on a échangé avec elle. Pendant la “belle époque” du coton, le rendement financier de sa famille était stable, assure-t-ele. A l’époque, elle tissait habits et autres et cela lui permettait de subvenir à ses besoins. « C’est auprès de ma grande sœur que j’ai appris le tissage avec du coton. Dans cette activité, j’avais eu beaucoup d’argent. Mais depuis l’arrêt du Projet Coton, tout a chuté », nous a confie la mère de famille.

Mama SidibéMama Sidibé

L’Etat assure avoir entendu les appels des producteurs

A la Société Cotonnière de Kankan (SCK), située au quartier Kankan Koura, des semis, des herbicides, de l’engrais, entre autres, sont en passe d’y être livrés, dans le cadre de la campagne agricole 2025-2026. L’annonce vient d’être faite par un responsable de la société, à l’occasion d’une assemblée générale des producteurs du coton. « Le cri de cœur des producteurs est attendu par le gouvernement et la relance de la filière est inscrite parmi les priorités de la campagne agricole de cette année. C’est vrai que certains sont impatients, mais un travail énorme est en train d’être abattu. Les semences vont arriver, 500 tonnes d’engrais, de l’herbicide et autres éléments sont aussi prévus », a-t-il assuré.

La Chambre régionale de l’agriculture de Kankan se mobilise pour relancer le secteur

« S’il y a bien un domaine du secteur agricole qui réunissait vraiment de personnes et qui faisait la fierté de la Haute-Guinée, c'est bien la culture du coton ». Ces mots sont du président de la Chambre régionale de l’agriculture de Kankan, rencontré dans le cadre de la réalisation de cet article. Selon Ousmane Diallo, les prochaines étapes consisteront à sensibiliser les producteurs à revenir à la terre. « Notre mission est d’écouter tous les agriculteurs de la région. C’est dans cette optique que nous avons rencontré les producteurs du coton et on a mis ce secteur en priorité. Et le président, et les ministres et les autres cadres du monde de l’agriculture, sont tous informés de la culture du coton. Nous nous apprêtons à organiser des séances de sensibilisation et de remobilisation des producteurs de coton. Nous allons les aider à travailler sur leurs plans d’affaires afin de relancer ce domaine », a-t-il assuré.

Michel Yaradouno