Donkin Léppi : entre fierté culturelle et retombées économiques inégalement partagées
Si Donkin Léppi s’impose désormais comme un rendez-vous culturel majeur en Guinée, ses retombées économiques profitent surtout aux commerçants et promoteurs.
Le Léppi, tissu artisanal de Guinée, est désormais protégé par l’OAPI via une Indication Géographique, valorisant culture, savoir-faire et économie locale.
Le Léppi de la République de Guinée est désormais protégé par l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI). Ce tissu traditionnel du Fouta Djallon bénéficie du statut d’Indication Géographique (IG).
Pour mieux comprendre les implications de cette protection sur le pays et sur les producteurs locaux, la rédaction d’IdimiJam.com a rencontré Kaman Magloire Théophile Kouadio, magistrat et spécialiste des questions de propriété intellectuelle.
IdimiJam.com : Quel est l’objet d’une protection juridique, tant au niveau national qu’international ?
Kaman Magloire Théophile Kouadio : À l’instar des brevets d’invention, des marques de produits ou de services, ou encore des droits d’auteur sur les œuvres littéraires et artistiques, les indications géographiques constituent une catégorie particulière de droits de propriété intellectuelle. Ces droits concernent des produits spécifiques, fruits d’une interaction entre des facteurs naturels et des savoir-faire propres à leur origine.
Autrement dit, ces produits tirent leurs caractéristiques, leur qualité et leur réputation de leur origine géographique. Le processus d’identification et de reconnaissance de ces produits, tel que mis en œuvre par l’OAPI, est encadré sous le vocable « indications géographiques ».
Les indications géographiques ont pour principal objectif la protection des noms de produits dont les qualités, la notoriété ou les caractéristiques sont liées à une région ou un lieu précis. Elles incarnent en quelque sorte l’étiquette d’un pays ou d’une région, véhiculant des valeurs socio-économiques, culturelles et historiques liées aux produits concernés.
Concrètement, qu’est-ce qu’une indication géographique ?
Il s’agit d’une mention permettant d’identifier un produit comme originaire d’un territoire donné — un lieu, une région ou un pays — lorsque certaines de ses qualités, sa réputation ou ses caractéristiques spécifiques sont attribuables à cette origine. Les produits concernés peuvent être naturels, agricoles, artisanaux ou industriels.
Ce mécanisme est encadré juridiquement par l’Accord de Bangui (annexe VI), ainsi que par l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), et l’Acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne relatif à la protection internationale des appellations d’origine et des IG.
La protection via une IG est essentielle : elle permet de valoriser les produits sur les marchés internationaux, de préserver leur authenticité, d’éviter leur exploitation frauduleuse, et d’assurer une juste rémunération des producteurs. C’est également un outil d’information pour les consommateurs, garantissant la qualité et l’origine des produits.
Pourquoi est-il important qu’un produit soit protégé par une indication géographique ?
La protection par l’IG permet avant tout de préserver l’authenticité du produit. Elle empêche l’usage abusif de son nom par des tiers non autorisés, renforce sa valeur économique sur les marchés, et met en lumière le patrimoine culturel du pays.
Les retombées socio-économiques et culturelles sont considérables : l’IG confère aux produits une reconnaissance internationale, stimule la production locale, favorise la création d’emplois et renforce la visibilité des artisans, souvent porteurs de savoir-faire ancestraux.
Qu’apportera concrètement la labellisation du Léppi à la Guinée et à ses artisans ?
La labellisation du Léppi constitue une avancée majeure pour les artisans guinéens, mais aussi pour le pays. Ce tissu traditionnel du Fouta Djallon, teint à base de plantes locales et tissé à la main, est reconnu pour ses motifs colorés et sa forte charge symbolique. Il incarne une part essentielle de l’identité culturelle guinéenne.
Grâce à l’IG, les produits Léppi sont désormais juridiquement protégés contre la concurrence déloyale et les imitations. Cette reconnaissance garantit des conditions de vente plus favorables, aussi bien localement qu’à l’export, et assure des revenus plus stables aux artisans.
Par ailleurs, la labellisation permettra de revaloriser le secteur textile en Guinée, en générant des emplois — notamment pour les jeunes et les femmes — et en facilitant la transmission des techniques artisanales. Ce processus participe à la préservation d’un savoir-faire ancestral, tout en favorisant l’innovation dans le domaine.
Il faut souligner que cette labellisation est le fruit des efforts conjoints du Ministère de la Culture, du Tourisme et de l’Artisanat, via l’Office National de Promotion de l’Artisanat, et de partenaires techniques engagés. Elle représente à la fois un levier économique et diplomatique pour la Guinée.
Au-delà des retombées économiques, le Léppi devient également un vecteur d’attractivité touristique et un instrument de rayonnement culturel. Il renforce l’image de la Guinée sur la scène internationale, à un moment où le pays aspire à faire inscrire ce patrimoine au registre de l’UNESCO.
Qu’est-ce qu’on doit retenir de cette labellisation ?
La labellisation du Léppi par l’OAPI marque une reconnaissance officielle de la qualité et de l’authenticité d’un savoir-faire guinéen ancestral. Ce label prestigieux est à la fois un outil de développement économique, un moyen de protection culturelle et une opportunité diplomatique. Pour les artisans guinéens, c’est une valorisation concrète de leur travail, un encouragement à transmettre leurs techniques, et une promesse d’avenir plus stable et plus visible à l’échelle mondiale.
Mamadou Barry
